Lorsque le mur de Berlin est tombé, le 9 novembre 1989, les résidants du “mauvais côté” du mur se sont empressés de charger leurs Trabant – les Trabi, pour les intimes – et de traverser le tristement célèbre Checkpoint Charlie.

Ces Trabant sont encore à l’honneur au musée Trabi-World – le lieu rêvé pour saisir toute l’ampleur de l’engouement indéfectible, démontré à travers la planète, pour celles qui seront bientôt sexagénaires.

Mieux encore: vous souhaitez visiter Berlin d’originale façon? Pour quelques dizaines d’Euros, vous pouvez louer l’un de ces 200 exemplaires peinturlurés aux couleurs de l’arc en ciel.

Vous découvrirez alors comment ces miracles de plastique sur quatre roues sont – encore aujourd’hui – de si vibrants symboles de l’ère communiste.

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La production des Trabant (les P50, qui deviendront par la suite des Trabant 500) a débuté le 7 novembre 1957. Pour la petite histoire, sachez que Trabant signifie, en russe, “compagnon de voyage” ou “satellite”. Et, incidemment, l’année 1957 coïncide avec le lancement du satellite Spoutnik.

Tout a débuté du côté Est du mur, alors que la compagnie Sachsenring (d’où le logo en “S”) voulait donner la réplique à la voiture du peuple produite à l’Ouest – une certaine Volkswagen Beetle…

C’est dans l’usine de Zwickwau (qui avait fabriqué les luxueuses Horch, précurseures d’Audi, avant de passer aux mains soviétiques), que près de 4 millions de Trabant ont été assemblées pendant près de 35 ans.

Dès leurs premiers tours de roue, les primitives voitures ont été la cible de moqueries. Les plus mauvaises langues la décrivaient comme une “bougie d’allumage surmontée d’un toit”, alors que d’autres répétaient à qui voulait l’entendre que les panneaux de carrosserie étaient faits de carton.

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De fait, il ne s’agissait pas de carton, plutôt de DuroPlast, un matériau que les ingénieurs avaient dû mettre au point, le blocus ne permettant pas un approvisionnement suffisant en acier.

Ce DuroPlast était un amalgame de résine (phénol) et de fibres de coton, des matières disponibles à profusion après la Deuxième guerre mondiale. Mine de rien, les Trabant ont donc été les premières voitures de toute l’industrie automobile à s’amener avec une carrosserie fabriquée à partir de matières recyclées.

Mieux encore: avec une impressionnante longévité moyenne de 28 ans, elles figurent encore aujourd’hui parmi les voitures les plus durables. Et elles étaient solides: des documents d’époque et des vidéos présentés au Trabi-World prouvent qu’elles faisaient mieux, lors des tests de collision, que les voitures de l’époque de même gabarit.

Voilà qui n’a pas empêché le magazine Time de classer les classer parmi les 50 pires voitures de tous les temps…

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La suspension indépendante et la direction à crémaillère des Trabant étaient, à l’époque, des éléments étonnants pour une “écono-box”. Mais alors que la plupart des autres voitures en étaient déjà au moteur quatre temps, les Allemandes de l’Est se contentaient d’une mécanique deux temps à deux cylindres (eh non, pas même trois cylindres!).

Qui plus est, les Trabant faisaient sans courroie de distribution, sans pompe à eau (le moteur était refroidi à l’air), sans radiateur et même sans pompe à essence. Plutôt, le réservoir de 25 litres était localisé à l’avant, sous le capot, la gravité acheminant le “fuel” au carburateur, comme pour les motos…

Avec leurs petits 18 chevaux, les premières Trabant (les P50) ne pouvaient rouler plus vite que 90km/h, voire que 110 km/h pour leurs successeurs 600 et 601, de respectivement 23 ou 26 chevaux.

Ces vitesses, elles les atteignaient dans un nuage de bruit, de fumée noire et de pollution – le catalyseur catalytique, les Trabant ne connaissaient pas…

Des études ont d’ailleurs rapporté que ces voitures émettaient neuf fois plus d’hydrocarbures et cinq fois plus de CO2 que les comparses de l’époque.

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À la réunification des deux Allemagnes, au début des années 1990, l’Est avait désormais droit aux produits de l’Ouest – à commencer par ses véhicules. Voilà qui a signé l’arrêt de mort de la Trabant.

Une dernière année de production, en 1991, verra (enfin) s’insérer sous le capot des Trabant un moteur à quatre temps et à quatre cylindres – celui de 1,1L de la Volks Polo, pour 45 chevaux et une vitesse max de 135 km/h.

Mais même avec ces “améliorations”, la Trabant était si dépassée que plusieurs de ses propriétaires la donnaient, une fois installés de “l’autre côté” du mur. Des exemplaires se sont carrément retrouvés dans des conteneurs à ordures.

Rien n’indiquait qu’un quart de siècle plus tard, l’enthousiasme serait si vibrant pour ces reliquats de l’époque soviétique: aujourd’hui, des Européens, mais aussi des Américains et mêmes des Canadiens vouent un véritable culte à l’icône automobile.

Avouez que c’est impressionnant, pour une voiture qui n’a pratiquement jamais quitté le Bloc de l’est…

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