Vous n'êtes pas Superman!

Dossiers
lundi, 30 novembre 2009
Pavillon Marie-Victorin, Université de Montréal, 4e étage; un petit local renferme un objet plutôt incongru pour une salle de classe universitaire : une Honda Civic. Et pas n’importe quelle Civic : sous le capot, en lieu et place d’organes mécaniques, on retrouve plutôt des capteurs et des circuits, reliés à un centre de contrôle.

Cette Civic est l’élément clé du Laboratoire de simulation de conduite de l’Université de Montréal, où sont testés les habiletés – et les lacunes! – des automobilistes aux prises avec différentes problématiques routières.

Alcool et drogues au volant, somnolence, perception de la signalisation… C’est également ici que des cobayes se sont prêtés au jeu du cellulaire au volant.

Et les résultats ne sont pas reluisants. Si vous pensiez pouvoir conduire et discourir au cellulaire sans conséquence aucune, des petites nouvelles pour vous : vous n’êtes pas Superman…
     
Mains-libres ou pas : c’est pareil

La conduite automobile comporte son lot d’automatismes et, à prime abord, elle paraît fort simple. Malheureusement, et on l’oublie trop souvent, elle est exigeante : « Il faut tout à la fois être attentif, porter des jugements et être capable de réagir rapidement, » dit Jacques Bergeron, professeur en psychologie à l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire.

Converser au téléphone divise l’attention du conducteur qui, autrement, devrait être entièrement consacrée à la route. Et ce, qu’importe si le cellulaire est tenu à la main ou utilisé en mode mains-libres.

Vous avez bien lu : qu’importe si le cellulaire est tenu à la main ou non.

En effet, M. Bergeron estime que le mode mains-libres ne retrancherait que 10% des risques associés à l’utilisation du cellulaire au volant.

Ce qui nous laisse encore avec un gros 90% de risques. Parlez-moi d’un faux sentiment de sécurité… D’ailleurs, souvenez-vous de toutes ces fois où vous avez conduit tout en discutant au cellulaire mains-libres, pour parvenir à destination sans trop vous rappeler du chemin parcouru.
Superman, mon œil, n’est-ce pas?

Qui n’a pas pesté?

Mains-libres ou pas, l’automobiliste qui, à bord de la Civic-simulateur, discoure au cellulaire le fait en adoptant des comportements à la fois périlleux et contrariants pour les autres conducteurs.

D’abord, il est porté à ralentir sa vitesse (de 10% à 20%). Ensuite, il hésite dans certaines manœuvres, par exemple aux intersections. Enfin, il freine sur le tard. D’ailleurs, qui n’a pas pesté derrière un véhicule qui roulait à vitesse inégale ou qui se décidait à tourner à la dernière seconde… pour découvrir avec exaspération que son pilote était au cellulaire?

En situation d’urgence, l’indiscipliné du cellulaire réagit également jusqu’à deux fois moins vite que le non-utilisateur de cellulaire. C’est énorme, quand on sait qu’une fraction de seconde peut faire la différence entre une collision évitée et un accident mortel.

Surtout, les réactions, parce qu’elles n’auront pas été réfléchies, peuvent être complètement inappropriées. « Comme de freiner sur une surface glacée », rapporte M. Bergeron.

Entre un divorce et un carton de lait…

Évidemment, les risques du cellulaire au volant sont encore plus élevés lorsque la conversation implique une forte connotation émotionnelle. Se faire demander le divorce est beaucoup plus dérangeant que de se faire demander un carton de lait…

Il est en outre peu sécuritaire de tenir une conversation avec un interlocuteur qui, contrairement à un passager qui se trouve à bord du véhicule, ne voit pas ce qu’il s’y passe. En cas d’urgence, cet interlocuteur n’aura pas le réflexe de la boucler afin de permettre au conducteur de mieux se concentrer sur ce qui se passe droit devant.

C’est comme conduire saoul

Vrai que la majorité du temps, il ne se passe rien au volant. Mais si un imprévu se pointe, il faut déjà être en mode « attention », ce que n’est pas l’utilisateur du cellulaire au volant. Celui-ci court donc 38% plus de risques d’avoir un accident que le non-utilisateur, dit Jacques Bergeron, ses expériences à l’appui.

Même que des études internationales vont jusqu’à prétendre que conduire tout en parlant au cellulaire est presque aussi dangereux que de conduire en état d’ébriété – une infraction qui peut entraîner des poursuites criminelles, doit-on le rappeler.

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