Voiture: réparer ou acheter?

Dossiers
dimanche, 1 juin 2003
Pas facile de trouver la frontière entre acharnement mécanique et renouvellement prématuré!

Mireille Lemay adorait sa Saab 9000. Solide, la luxueuse voiture dont elle avait hérité à la mort de son mari était équipée de sièges en cuir chauffants, d’un régulateur de vitesse et d’un toit ouvrant. Même âgée de neuf ans, la suédoise rendait de fiers services. Jusqu’à ce que le moteur succombe dans le stationnement d’un centre commercial des Laurentides. Coût des réparation : 5000$.

«La Saab m’avait toujours coûté cher en entretien, mais, cette fois, je n’avais plus les moyens», raconte Mme Lemay, qui décide de mettre la Saab au rancart.

Les regrets n’ont pas tardé. Au lieu d’une berline de luxe, Mme Lemay a dû se contenter d’une voiture intermédiaire. Adieu, sièges en cuir chauffants et toit ouvrant. Et bonjour les paiements mensuels. «Je me demande parfois si je n’aurais pas mieux fait de garder ma Saab…»

Faites vos comptes

Eternel dilemme: vaut-il mieux réparer ou changer? Pas facile de trancher. «Une voiture, ça coûte cher, dit Pierre Allard, garagiste depuis 30 ans sur la Rive-Sud de Montréal. Soit vous la remboursez, soit vous en payez les réparations.»

Selon la firme canadienne DesRosiers Automotive, le prix moyen d’une voiture est de 27 133 $ au Québec. Mais ça ne s’arrête pas là: la firme Runzheimer International estime à 11 000 $* les coûts annuels d’essence, d’entretien, d’assurances et de dépréciation pour une Ford Taurus neuve qui parcourt 24 000 kilomètres par an dans la région montréalaise.

Bien sûr, une vieille voiture revient plus cher en entretien qu’une neuve, mais elle n’exige plus de paiements mensuels et peut coûter jusqu’à trois fois moins cher en assurances.

«Les gens limitent leur couverture pour leur vieille voiture en n’optant que pour la responsabilité civile, obligatoire. Ce que l’on appelle l’assurance «d’un seul côté», explique Annick Mongeau, du Bureau d’assurance du Canada.

Selon ce principe, un Lavallois de 40 ans n’ayant jamais eu d’accident et conduisant une vingtaine de kilomètres par jour versera 515 $ par année à Wawanesa afin d’assurer «d’un seul côté» sa Toyota Camry 1993, alors que le même conducteur déboursera annuellement 1359 $ pour la couverture complète – responsabilité civile et dommages – d’une Camry neuve.

Surtout, plus vous conservez votre véhicule, plus vous en atténuez la dépréciation. Dennis DesRosiers, président de DesRosiers Automotive, estime qu’un véhicule neuf perd la moitié de sa valeur dans les cinq années suivant son acquisition. Auteur des guides Lemon-Aid, Phil Edmonston considère qu’il est «gratuit» après cette période: «Sa dépréciation étant déjà amortie, vous aurez peut-être avantage à le conserver.»

S’il peut être très avantageux de garder votre véhicule, même au prix de quelques réparations, il faut toutefois éviter «l’acharnement mécanique».

Il y a vieux… et vieux!

Tous les experts sont unanimes: il n’existe pas de formule miracle qui permette de prédire s’il vaut mieux réparer sa vieille voiture ou s’en débarrasser. «Chaque cas est particulier, affirme Raynald Côté, du CAA.

Il existe néanmoins une règle d’or: si vous avez des doutes quant à la pertinence des réparations sur votre vieux véhicule, demandez l’avis d’un garagiste indépendant.»

Le chroniqueur automobile Jacques Duval recommande de s’informer sur la valeur de l’automobile. «N’allez pas investir plus que ce qu’elle ne vaut», dit-il. Consultez les guides de prix disponibles en kiosque, ou encore sondez les petites annonces. «Si on vous demande 1500 $ pour réparer votre automobile qui n’en vaut que 2000 $, débarrassez-vous-en», déclare Daniel Héraud, auteur du Guide des autos usagées (Hebdo Mag).

Yvon Lanthier, garagiste depuis 27 ans dans les Laurentides, conseille d’examiner l’historique du véhicule: «Vous a-t-il coûté cher? Etes-vous toujours en train d’y mettre de l’argent?» Phil Edmonston suggère un calcul fort simple: «L’entretien devrait coûter en moyenne de 700 $ à 800 $ par année. Votre automobile exige davantage? Voilà qui n’augure rien de bon pour l’avenir.»

La marque du véhicule peut faire pencher la balance. Visitez le site Internet http://www.lemonaidcars.com/ (en anglais seulement), où sont répertoriés bons et mauvais modèles. Votre véhicule entre dans la seconde catégorie? N’insistez pas !

Toutes les voitures ne sont pas égales devant la vieillesse. Un sondage mené en 2001 par le CAA révèle que les japonaises ont besoin de moins de réparations, toutes catégories d’âge confondues. De plus, elles sont moins dépensières : une voiture ayant entre 6 et 10 ans coûtera en moyenne 887 $ par an, contre 1048 $ pour une américaine et 1228 $ pour une européenne.

«Les japonaises sont les moins chères à entretenir, et les plus résistantes, croit Phil Edmonston. Elles sont peut-être plus dispendieuses à l’achat, mais leur valeur de revente est plus grande.» Daniel Héraud précise cependant: «Les japonaises sont les reines de l’usagé, mais la rouille est un cancer qui les affecte tout particulièrement. Payez-leur un traitement anti-rouille annuel.»

Signaux d’alarme

Certaines réparations doivent sonner l’alarme. «Ça commence à être sérieux quand on joue dans le moteur, le cœur du véhicule», prévient Pierre Allard.

Autre sujet d’inquiétude : la carrosserie. «Une carrosserie rouillée, ça ne se répare pas, ça se met aux vidanges!» tranche Daniel Héraud. Inutile de dilapider des milliers de dollars pour la faire repeindre. «Vous la vendrez peut-être plus vite, mais pas plus cher», soutient Pierre Allard.

La transmission fait des siennes ? Pensez-y deux fois avant de la faire réparer. «Il s’agit de l’un des domaines de la mécanique où vous risquez le plus de vous faire avoir, affirme Yvon Lanthier. Tout le monde connaît un bon garagiste. Mais qui connaît un bon technicien en transmission?»

Parlez-en à Shirley Brochu, une enseignante de Sherbrooke. La transmission automatique de sa Dodge Colt vieille d’à peine quatre ans a rendu l’âme sur l’autoroute 10, en direction de Montréal. Un garagiste spécialisé lui a offert le choix: une transmission neuve à 2900 $, sans compter l’installation, ou une transmission usagée pour 2300 $, main-d’œuvre et garantie comprises.

Cette mère monoparentale de trois enfants a choisi la seconde option, moins coûteuse… mais plus risquée. Deux mois après l’expiration de la garantie, la transmission rend à nouveau l’âme. Pendant qu’une deuxième transmission remise à neuf est installée sur sa Colt, moyennant une facture supplémentaire de 1600 $, Shirley magasine pour l’achat d’un véhicule neuf.

La revente de sa Colt lui rapporte 4000 $, tout juste de quoi payer les deux réparations de transmissions.

Attention aux gros pépins, avertit le chroniqueur automobile Benoît Charrette, qui rappelle qu’une première grosse réparation laisse souvent présager qu’il y en aura d’autres. «C’est une réaction en chaîne, dit-il. On dirait que tout lâche en même temps!»

Tranquillité d’esprit

Si vous devez vous résigner à l’achat d’une voiture neuve – ou certifiée (voir encadré) –, sachez que la voiture la moins chère sur le marché est actuellement la compacte Kia Rio S, avec un prix de détail suggéré de 12 350 $. Mais, quel que soit le prix que vous pourrez vous permettre de payer, vous pourrez compter sur des taux de financement intéressants. «Les offres à 0 pour 100 d’intérêt peuvent vous faire économiser des milliers de dollars», estime Benoît Charrette.

Mais ne vous ruez pas chez votre concessionnaire. Dennis DesRosiers pense que ces mesures incitatives feront partie du paysage pour encore un bon moment: «Le marché de l’automobile est si concurrentiel que le constructeur qui abandonnera de tels encouragements monétaires le paiera très cher.»

Une voiture neuve, bardée de ses garanties, apporte généralement la tranquillité d’esprit. «Il y a des gens dont le métier exige que leur voiture démarre tous les matins, dit Daniel Héraud. Ceux-là n’ont pas le choix: ils doivent fuir les « minounes».

Autre motivation pour le changement : des besoins «automobiles» qui ont évolué. «Maintenant que les enfants ont 18 ans, peut-être en avez-vous assez de votre minifourgonnette», mentionne Yvon Lanthier.

La «sécurité» n’est pas à négliger non plus. Votre vieille voiture n’est sans doute pas équipée de coussins gonflables, ni de ces systèmes d’aide à la conduite dont sont munies de plus en plus de voitures neuves: antipatinage, répartition électronique de freinage ou antiblocage (ABS).

Enfin, les voitures neuves d’aujourd’hui sont de meilleure qualité. «Dans les années 70, les véhicules duraient en moyenne 150 000 kilomètres, rapporte Dennis DesRosiers. Aujourd’hui, ils ont une espérance de vie de 300 000 kilomètres.»

Comme rien n’est jamais si simple, regardez-y tout de même à deux fois avant d’envoyer votre tacot à la casse. Quand il a acheté en 1990 sa Honda Civic, Pierre Beaudoin, de Saint-Hippolyte, n’imaginait pas battre des records de longévité.

Pourtant, avec plus de 450 000 kilomètres au compteur, une nouvelle transmission, un nouveau moteur et une carrosserie ravagée par la rouille, la petite japonaise rouge, payée 9500 $ voilà une décennie, fait mentir tous nos experts!

«Chaque fois que je tourne la clé, je me croise les doigts, dit Pierre Beaudoin. Je me dis qu’un beau jour le moteur flanchera. Mais, pour le moment, elle tient le coup. Vous pensez que je m’acharne?»

* Ford Taurus: 2105 $ en essence et en huile, 814 $ en entretien, 454 $ en pneus, 1763 $ en assurances, 225 $ en immatriculation et 5457 $ en dépréciation. Vendue au bout de quatre ans.

 

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