Transport Canada: de la grande visite (automobile) venue d'ailleurs

Dossiers
mardi, 15 août 2006
Mini diesel, Audi A2, Smart Roadster, Nissan Altra à propulsion électrique… Voilà des véhicules qui, en temps normal, ne rouleraient pas sur nos routes canadiennes. Sauf qu’ils le font. À qui la faute? À Transport Canada, et à son Programme de véhicules à technologie de pointe (PVTP).

Depuis sa création en 2001, le PVTP a attiré chez nous tout un lot de vedettes automobiles étrangères. Elles sont aujourd’hui plus de 130 à composer la « flotte verte » de Transport Canada.

Le but de toute cette grande visite d’ailleurs? Évaluer les technologies d’avant-garde, en visant tout particulièrement la réduction des émissions polluantes.

La flotte d’expérimentation gouvernementale comporte de tout : véhicules électriques et hybrides, à piles à combustible, voire à carburants alternatifs, comme le biodiesel, l’éthanol ou encore l’hydrogène. On retrouve également des véhicules qui profitent de technologies nouvellement développées, telles la désactivation des cylindres et l’injection directe pour les moteurs à essence.

Les véhicules qui ont l’honneur de figurer au tableau « vert » du programme canadien ne l’ont cependant pas facile. Pas de vacances en effet pour ceux qui sont testés et re-testés. Tout y passe : performances, efficacité énergétique, sécurité, émissions, marchés potentiels, obstacles à la commercialisation, alouette.

La première inspection est implacable : la réglementation canadienne est-elle respectée? Les rétroviseurs, phares et instruments sont-ils conformes à nos lois?

Tous et chacun sont ensuite évalués sur la route, où ils subissent une période de rodage de 4000 kilomètres. Pour vous donner une idée, 4000 kilomètres, c’est à peu de choses près la distance à vol d’oiseau qui sépare Vancouver de Montréal… Ça en fait, de la route, mais voilà qui est nécessaire afin de bien juger de la consommation en carburant et des émissions polluantes.

Après le rodage sur route, c’est la piste. Des tests dynamiques d’accélérations, de freinage et de slalom mettent alors moteurs, suspensions, carrosseries et systèmes d’échappement à l’épreuve. D’autres essais formels ont également lieu en laboratoire. Pour finir, certains spécimens automobiles sont sacrifiés sur l’autel des tests de collision.

Les plus chanceux profitent d’une retraite dorée en parcourant le pays afin de participer à des salons automobiles et à d’autres événements publics. Ils y ont pour mission de se faire voir et de sensibiliser la population à leurs technologies qui, un jour ou l’autre, feront leur entrée chez les concessionnaires.

Le PVTP a-t-il un avenir?

Depuis le lancement du programme PVTP en juin 2001, les ingénieurs et autres professionnels qui y participent en sont venus à plusieurs constatations. Déjà, un premier rapport d’activités publié en 2002 révélait qu’il est possible d’améliorer de 25% à 40% l’efficacité énergétique des véhicules.

Que la technologie soit suffisamment développée pour ce faire est une bonne nouvelle en soit. Le hic : la réglementation technique et de sécurité sur les véhicules est, à l’échelle mondiale, d’une telle diversité et d’une telle complexité qu’elle constitue le plus grand obstacle à la disponibilité, au Canada du moins, de ce type de véhicules.

Et de toute façon, ont découvert les gens au PVTP, si la majorité des automobilistes se disent prêts à faire leur part « environnementale », il n’est pas question pour eux de sacrifier confort, performance et équipements.

Sauf que… « Vous savez quoi? Il est devenu possible d’avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre grâce aux technologies automobiles avancées, dit M. Lui Hrobleski, chef de la division des véhicules avancés. Nous voyons même ces technologies comme jouant un rôle très important dans l’équation, surtout si le prix du litre d’essence continue de grimper comme il le fait. »

Autre constatation : contre toute attente, la réaction du public aux petits véhicules urbains est positive. Sans surprise toutefois, nombreux sont ceux qui se préoccupent de la sécurité en cas de collision.

À ce, John Neufeld, ingénieur senior pour le PVTP, veut rassurer : « Les tests de collision frontaux, latéraux et autres que nous avons menés avec les sous-compactes et autres mini-voitures nous ont beaucoup appris. Nous avons été très surpris de voir à quel point ces véhicules font bien. »

En fait, si la Smart est distribuée au Canada depuis un an maintenant, bien qu’elle ne le soit toujours pas aux États-Unis, c’est peut-être en partie grâce au PVTP. « Nous aimons penser que notre programme a eu quelque chose à voir dans la venue de la Smart chez nous, » affirme M. Neufeld.

Le programme PVTP doit prendre fin en mars 2006, après cinq ans d’opérations. Une extension d’une année, voire de cinq ans a été demandée, mais le gouvernement n’a toujours pas fourni d’autorisation. « J’espère que nous aurons des nouvelles positives d’ici la fin de l’année, » dit M. Hrobelski.

Lentement, mais sûrement

Une chose est sûre, les mentalités évoluent. Lentement mais sûrement. Il y a quatre ans, le marché automobile proposait à peine deux véhicules hybrides : la Honda Insight et la Toyota Prius (celle de première génération). Et encore : ces deux voitures étaient considérées comme des « étrangetés ».

Quatre ans plus tard, l’offre s’est bonifiée : Toyota Prius de seconde génération, Honda Civic Hybride, Honda Accord Hybride, Toyota Highlander Hybride, Ford Escape Hybride, Lexus RX400 Hybride… Et ce n’est qu’un début. Les constructeurs annoncent à qui mieux un Mazda Tribute hybride, une Ford Fusion hybride, des camions GM hybrides…

Que voulez-vous, les consommateurs s’arrachent les modèles à propulsion essence-électricité  – même qu’ils doivent parfois patienter plusieurs semaines avant de mettre la patte sur l’exemplaire de leur choix.

Parallèlement, les moteurs diesel se font de plus en plus populaires. Au Canada, du moins. « En fait, dit M. Hrobelski, l’intérêt pour le diesel est beaucoup plus grand que ce que croient les constructeurs automobiles. Ceux-ci  perçoivent les Nord-américains comme des amoureux de gros utilitaires – à juste titre, sans doute – et n’ont malheureusement pas la motivation d’offrir de ce côté-ci de l’Atlantique ce qui se vend pourtant si bien en Europe. »

Du coup, ces constructeurs manquent le « bateau canadien », où davantage de consommateurs privilégieraient les modèles diesel, s’ils en avaient l’occasion. « Prenez l’exemple de Volkswagen, dit encore l’ingénieur du PVTP. Une voiture sur trois vendue au pays par le constructeur allemand est diesel, alors que le ratio n’est que de 6% aux États-Unis. »

Si le marché canadien n’offre actuellement, en propulsion diesel, que les Volkswagen, la Mercedes Classe E, la Smart et le Jeep Liberty, M. Hrobelski a néanmoins eu l’occasion de conduire plus souvent qu’à son tour un véhicule diesel pourtant non distribué au pays de la feuille d’érable.

C’est que près de la moitié de la « flotte verte » de Transport Canada est composée de modèles diesel : Chrysler PT Cruiser diesel, Mini diesel, Ford Focus diesel, BMW Série 3 diesel, Dodge Caravan diesel, Volkswagen Lupo diesel, Honda Accord familiale diesel…

Cette dernière lui fait dire : « Quelle voiture stupéfiante. Je vous jure qui si vous ne prévenez pas les gens qu’il s’agit d’un moteur diesel, ceux-ci ne s’en apercevront même pas, tellement le véhicule est silencieux! »

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