Sur la route du Karting

Dossiers
samedi, 10 juin 2006
S’il est bien une discipline qui a connu une hausse de popularité avec l’arrivée de Jacques Villeneuve en F1, c’est bien le karting. Nombreux sont les Québécois qui, par une belle journée d’été, ont récemment découvert – ou redécouvert – les joies de la conduite à l’état pur, dans un environnement bien contrôlé.

Qu’importe votre destination-vacances dans la province, un centre de karting se trouve à proximité. «Nous sommes fort chanceux au Québec, dit René Fagnan, ancien instructeur en karting et aujourd’hui rédacteur en chef du magazine Paddock. Nous bénéficions de très beaux circuits, à 95% dirigés par des gens sérieux et professionnels. Ils sont répartis dans toutes les régions et presque toute la population peut en rejoindre un à plus ou moins 100 kilomètres à la ronde.»

Le pilote québécois Bertrand Godin est du même avis: «Nous profitons au Québec de pistes très techniques et d’une belle variété de courbes. Par ailleurs, les tracés sont suffisamment longs pour que l’on ne soit pas toujours en train d’en franchir la ligne d’arrivée.»

Le karting, selon René Fagnan, offre la chance de découvrir quelque chose de ‘complètement différent’. «Contrairement au rafting ou aux sorties à la ronde, le karting donne des sensations fortes sans que vous restiez passif. C’est vous qui avez le contrôle de l’accélérateur, du frein et du volant. L’occasion est unique de conduire un bolide qui n’a rien à voir avec votre voiture de tous les jours, de surcroît sur une piste sans ligne blanche ni panneaux de signalisation.»

Toute la famille peut en profiter, bien que les plus jeunes devront peut-être partager l’engin avec papa ou maman. La hauteur minimum requise pour prendre place seul dans un kart varie généralement de 48 à 55 pouces. Certains centres, tel celui de Saint-Hilaire, proposent quelques karts deux places. D’autres, comme à Mont-Joli, offrent des petits bolides dont la vitesse est limitée à 16 km/h et dans lesquels peuvent monter des bambins aussi jeunes que trois ans.

Mine de rien, le karting représente tout un défi. La plupart des gens s’imaginent pouvoir maîtriser le bolide en un tournemain, mais «si certains l’ont tout de suite, la majorité reste très surprise par la ‘réactivité’ du kart,» dit René Fagnan.

Tellement que plusieurs démarrent et… passent tout droit au premier virage. «Ils oublient littéralement de tourner! Il faut dire que de rouler à 70 km/h à l’heure les fesses à un pouce du sol, ça donne visuellement l’impression de filer à 180 km/h.»

Un kart de location délivre généralement moins d’une dizaine de chevaux vapeur, mais son poids-plume en fait un engin plus puissant qu’il n’y paraît. «Les accélérations sont fulgurantes,» prévient René Fagnan. «Et la moindre petite erreur, comme un dérapage ou une entrée trop tôt en virage, vient directement influencer le chrono,» renchérit Bertrand Godin.

En fait, le karting est si peu piqué des vers qu’il constitue la parfaite discipline pour des débuts en course automobile. «Tous les pilotes de F1, sans exception, y ont entamé leur carrière,» confirme Bertrand Godin.

Plus que les mots, il faut une première expérience en kart pour découvrir à quel point… ça secoue. «C’est zéro suspension, dit René Fagnan. Chaque cahot de la piste se traduit par un ‘bedang’ qui fait sauter plombages et dentiers. Ajoutez à cela une direction ultra précise – deux centimètres suffisent pour corriger –  et des freins uniquement à l’arrière – très faciles à bloquer – et vous venez de comprendre pourquoi les gens partent en tête à queue plus rapidement qu’ils ne clignent des yeux.»

Bertrand Godin, qui a eu la chance presque unique de tourner dans une monoplace F1 (à Magny-Cours en France, en 2002), soutient que le karting est beaucoup plus ‘physique’ que la prestigieuse série automobile. «D’abord, l’environnement n’y est pas aussi confortable. Parce que le siège n’est pas moulé à notre dos, ce sont les côtes qui nous retiennent – l’adhérence est telle qu’en kart de compétition, les forces G peuvent les briser.»

Aussi, faute de direction assistée, «celui ou celle qui ‘tourne’ pendant une vingtaine de minutes sortira de son kart avec les bras passablement endoloris.»

On pourrait penser que le pilote québécois de 38 ans place les sensations fortes du maniement d’une F1 bien au-delà de l’émotion ressentie en kart. Que non: «Croyez-moi, le plaisir ne vient pas avec la grosseur de la monoplace!»

Avec tout ce qui précède, commencez-vous à être convaincu que le karting, ce n’est pas de la petite bière? Pour bien apprécier la journée qui vous attend en piste, quelques conseils de base sont de mise. René Fagnan et Bertrand Godin nous les livrent ici, puisés à même leur propre expérience. Tenez-en compte, ils vous assureront de flirter avec l’adrénaline, mais aussi d’éviter les erreurs les plus communes…

Sachez choisir ce centre

Ça y est, vous décidez d’une journée en karting pour toute la famille. Avant de vous précipiter, prenez le temps de bien choisir votre centre. De tous ceux qui sont en affaires dans la province, sept sont reconnus par la Fédération de sport automobile du Québec : KCR Karting à Château-Richer, Karting Grand-Mère, Lelièvre Karting à Mont-Joli, SH Karting à Saint-Hilaire, Karting Pointe-du-Lac (Trois-Rivières), SRA Karting à Saint-Roch-de-l’Achigan et Karting Thetford à Thetford Mines.

Consultez-en les sites Internet; non seulement affichent-ils les tarifs, mais ils «reflètent aussi le professionnalisme de l’endroit,» dit René Fagnan.

Si le centre se trouve à proximité de votre résidence, effectuez-y une petite visite de reconnaissance. «Examinez la propreté des lieux, l’état des karts. Ces derniers sont-ils bien portants ou amochés? Propres ou barbouillés d’huile? Demandez à voir les casques : ont-ils l’air neuf ou sont-ils râpés? Les visières sont-elles craquées? Demandez si l’on chronomètre vos tours – un service fort utile afin d’analyser ses performances.»

Enfin, n’oubliez pas de réserver. La saison du kart, comme toutes les activités estivales au Québec, en est une de très courte durée: de fin avril à fin septembre, parfois mi-octobre. Les amateurs ont donc peu de temps pour assouvir leur passion. Ne courez pas le risque de vous rendre à un circuit pour vous faire dire que la capacité maximale quotidienne de pilotes y a été atteinte.

Avant d’entrer en piste

Le Jour J est enfin arrivé, toute la petite famille se pointe au circuit. Idéalement, chacun portera des vêtements longs. C’est qu’un petit gravier qui jaillit d’une roue de kart à 70km/h peut faire mal, très mal….

René Fagnan conseille donc jeans et blouson et ce, même s’il fait chaud. «Je suggère aussi de porter des gants, ne serait-ce que pour améliorer la prise en main – vous gaspillerez moitié moins d’effort à tenir le volant.» Bien sûr, pas de sandales: «Portez des souliers de course fermés. Et gardez abaissée la visière de votre casque; encore là, une petite roche propulsée à toute vitesse peut blesser sérieusement.»

Avant de sauter à bord d’un kart, Bertrand Godin recommande de se familiariser avec le parcours. «Vous aurez déjà une bonne idée du tracé. Aussi, prenez connaissance des consignes de sécurité et des différents drapeaux de signalisation – ces derniers sont le langage visuel de la piste, sachez le comprendre.»

Les sièges de kart ne s’ajustent généralement pas – tout au plus certains s’avancent et se reculent. Aux pilotes de petit gabarit, les centres proposent des coussins qui leur permettront de rejoindre les pédales. «Prenez tout le temps nécessaire afin de dénicher une position confortable, recommande René Fagnan. Sinon, vos bras forceront inutilement à vous retenir.»

Enfin, «même si vous êtes impatients de démarrer, dit Bertrand Godin, choisissez bien votre casque. S’il ne vous convient pas, n’hésitez pas à en essayer un autre. Souvenez-vous : la performance commence par le confort!»

Et c’est parti!

Vous voilà sur la ligne de départ. Les moteurs vrombissent, vos mains sont placées à 10h10 sur le volant et vous êtes fin prêt à vous élancer. Voilà, c’est parti!

Malgré l’excitation du premier tour, «ne tentez pas de devenir un champion du monde instantané, prévient Bertrand Godin. Souvent, les débutants ont tendance à ne pas vouloir lever le pied. Sachez qu’ils seront les plus lents – ils perdront de précieuses secondes en dérapage.»

«Soignez plutôt votre conduite, continue le pilote. Et allez-y progressivement – c’est la seule façon de trouver votre limite. L’important n’est pas de vous trouver ‘bon’ du premier coup, mais plutôt de vous améliorer, tour après tour. Et de vous amuser, bien sûr!»

Trajectoires et points de corde

«Si vous prenez un temps d’arrêt afin d’analyser l’action en piste, fait remarquer René Fagnan, vous constaterez que la plupart des gens y manoeuvrent leur kart comme s’ils se trouvaient sur la route : ils circulent à droite, même en l’absence de toute circulation à sens contraire.»

Afin de tout découvrir sur les trajectoires et les points de corde (apex) en piste, un cours de pilotage de base peut s’avérer très bénéfique. On y apprend à regarder loin devant et à manœuvrer en virage – l’amorce à l’extérieur, puis le virage à l’intérieur, pour mieux ressortir à l’extérieur.

Si le portefeuille ne permet pas le débours pour telle formation en conduite, rabattez-vous sur une solution toute simple: traquez le noir. «Roulez sur la gomme noire laissée en piste par les karts de compétition, dit René Fagnan. Non seulement vous vous placez sur la bonne trajectoire, mais cela permet aux pilotes plus rapides de vous dépasser au bon endroit.»

Attention, toutefois: «Ne tentez pas de suivre les trajectoires des autres karts qui roulent devant, prévient Bertrand Godin. S’ils font une erreur, vous ferez malheureusement la même.»

L’ABC du bon pilote

Même si le pied vous démange sur l’accélérateur, souvenez-vous du conseil suivant: «Il n’est pas nécessaire d’aller à fond la caisse, dit René Fagnan. Roulez plutôt à votre rythme.»

Oui, mais si les autres en piste sont plus rapides? «Laissez faire ce qui se passe derrière, c’est devant vous que ça se déroule, intime Bertrand Godin. Si un pilote est plus rapide, dites-vous qu’il s’organisera de lui-même pour vous dépasser. Sa manœuvre sera cependant plus aisée si vous suivez les trajectoires et évitez de zigzaguer.»

Vous en avez ‘plein votre casque’ et souhaitez quitter le circuit? «Un ou deux virages avant l’entrée aux puits, levez la main, conseille Bertrand Godin. Voilà qui indiquera vos intentions et ceux qui roulent derrière ne seront pas surpris par votre freinage.»

Trois petits tours et puis s’en vont…

Pour ceux qui croient pouvoir rouler des heures et des heures en karting, des petites nouvelles pour vous : une journée se résume à plus ou moins 45 minutes en piste.

Bertrand Godin suggère une première séance de cinq minutes, histoire de découvrir les manies du kart, puis une seconde séance de dix minutes et, enfin, une dernière séance, ou peut-être une course, d’au maximum 30 minutes.

Il faut d’abord savoir qu’une minute en karting coûte entre 1$ et 2,50$, davantage si vous optez pour des karts plus puissants que la moyenne. «Certes, ça revient plus cher que de jouer aux quilles!» dit René Fagnan.

Qui plus est, la concentration et l’effort physique requis commandent d’y aller avec parcimonie. «On ne s’en rend pas compte, mais à chaque virage, un réflexe naturel nous pousse à retenir notre souffle, explique Bertrand Godin. En F1, les lignes droites sont longues, mais en karting, on est toujours en virage. C’est dire qu’on est constamment en apnée. L’effort cardiaque est très intense et je verrais très mal quelqu’un faire du karting pendant deux heures; il virerait au bleu!»

Étirez donc le plaisir en vous octroyant de longues pauses. Et mettez-les à profit pour reprendre votre souffle, mais aussi pour assimiler tout ce qui vient de se passer en piste «C’est entre les séances que l’on apprend le plus, affirme  Bertrand Godin. Dans le bolide, on conduit, on essaie de faire de son mieux, mais c’est lorsqu’on en descend que l’on a du temps pour réfléchir. Analysez votre chrono, remémorez-vous les trajectoires empruntées, méditez sur comment réduire quelques secondes au tour... Facilement, vous gagnerez de deux à trois secondes.»

Tirez-en quelque chose

Tant qu’à investir plus ou moins 200$ dans une activité de karting pour toute la famille, aussi bien en tirer quelque chose, non? D’abord, le défi: «Donnez-vous de petits challenges, dit René Fagnan. Vous avez effectué votre dernier tour en 1:30 minute? Essayez de retrancher quelques secondes, sans tête à queue bien sûr. Plus vous progresserez et plus vous serez fier.»

Sachez aussi qu’il y a toujours quelque chose à apprendre du karting. «Testez vos propres réactions, dit encore René Fagnan. Voyez par exemple si, en dérapage, vous réussissez à ne pas lever le pied…»

Pour un nombre infime d’élus, le kart peut, ultimement, mener aux hautes sphères de la course automobile. Pour l’ensemble des conducteurs, il donne une grande leçon: «Le karting aide à comprendre les limites des véhicules, soutient Bertrand Godin. Il montre clairement que la route n’est pas conçue pour la vitesse et qu’on n’y a d’ailleurs rien à prouver.»

Les deux fils de René Fagnan, Paul (18 ans) et Rémi (16 ans), pilotent des karts depuis dix ans. Maintenant qu’ils sont en âge de conduire, leur père se dit nettement plus rassuré: «Ils ont eu l’occasion de tester en piste leurs réactions et celles de leur bolide.»

Parce qu’ils sauront mieux réagir que d’autres, peut-être éviteront-ils la bien mauvaise expérience vécue par Bertrand Godin. Ce dernier se souviendra longtemps de sa première voiture, une Plymouth Fury acquise à l’âge de 18 ans: «Je ne l’ai conservée que neuf jours… avant d’en perdre la maîtrise dans un virage à plus 170km/h. Je n’avais encore jamais conduit un kart, mais si je l’avais fait, jamais je ne me serais ainsi ‘planté’. J’aurais su qu’on ne peut pas faire n’importe quoi en kart sur un circuit. Et, à plus forte raison, en voiture sur la route!»

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