Se glisser dans la peau… du 3e âge

Dossiers
mercredi, 10 octobre 2007
On peut dire que les Baby Boomers, la plus grande cohorte de population jusqu’à ce jour, ont influencé bien des produits, bien des designs et bien des campagnes de marketing. Ils ont même influencé la conception des intérieurs automobiles – du moins, ceux chez Ford.

Curieux : lorsqu’on interroge les constructeurs automobiles sur ce qu’ils mettent en oeuvre afin de satisfaire les Baby Boomers, la plupart d’entre eux répondent que leurs véhicules s’adressent plutôt à une clientèle jeune et familiale.

Bouderait-on les Baby Boomers?

Pourtant, ceux-ci constituent l’une des groupes de consommateurs, sinon LE groupe de consommateurs le plus imposant qui soit. Si les plus jeunes Baby Boomers n’ont pas encore 45 ans, les plus âgés viennent tout juste d’entamer leur soixantaine. Et maintenant que leurs enfants ont quitté le nid, et que leur sécurité financière est assurée, ils sont susceptibles de se procurer jusqu’à sept autres véhicules d’ici la fin de leur vie.

Sept véhicules, c’est rien de moins que la moitié de toutes les automobiles qu’ils auront achetées au cours de leur existence, révèle une étude de l’américaine AutoPacific.

Une équipe « ergonomique » pour un segment démographie d’importance

C’est indéniable, les Baby Boomers sont nombreux. Le Center for Aging Services Technologies (CAST) soutient qu’aux États-Unis, un citoyen atteint l’âge vénérable de 50 ans à toutes les sept secondes.

Les Baby Boomers vieillissent, aussi. Si certains le font en beauté et en santé, d’autres font malheureusement connaissance avec les limitations physiques. C’est pour ces derniers que Ford travaille à modifier ses habitacles automobiles.

Loin de nier son implication auprès des populations âgées, comme le font d’autres constructeurs, Ford reconnaît l’importance de ce segment démographique : « Il serait fou de ne pas y penser! » lance Eero Laansoo.

Cet ingénieur en ergonomie chez Ford l’admet : « Sur le plan marketing, il est certes plus attrayant de viser la Génération Y. Mais la réalité est que ce sont les gens de 50 ans et plus qui contrôlent le monde. »

Ford a donc mis sur pied une équipe « ergonomique » chargée de développer des designs avec, en tête, les exigences des Baby Boomers. Soit la sécurité, le confort et la facilité d’opération.

Eero Laansoo fait partie de ce groupe. Sa tâche principale?  « M’assurer que nous fabriquons des véhicules intuitifs. » Ainsi, les poignées de portière des modèles Ford sont passées du clapet que l’on soulève à un mécanisme qui permette une pleine prise de la main. « Elles sont plus faciles à manipuler, surtout pour quelqu’un qui souffre d’arthrite et qui n’a guère de force au niveau des doigts, » dit M. Laansoo.

Les Baby Boomers demandent aussi des contrôles simples à déchiffrer. « Avec l’âge, reprend l’ingénieur, la vue des gens tend à diminuer, et c’est encore pire si les cataractes s’en mêlent. Nous misons donc sur des graphiques lisibles, en délaissant par exemple les nuances de bleu au profit de contrastes noir sur blanc, plus francs. »

Pour simuler l’âge d’or

La plus grande revendication des gens qui avancent en âge ? L’accessibilité, révèlent les études de Ford. « Entrer et sortir d’un véhicule constitue tout un défi pour quelqu’un qui éprouve des limitations physiques, » rapporte M. Laansoo.

Mais comment réellement comprendre la chose lorsque, comme l’ingénieur en ergonomie, l’on n’a que 33 ans ?

Facile : il suffit de revêtir le costume « 3e âge ».

Ce survêtement, conçu par une université anglaise en 1999, aide à simuler… l’âge d’or. Il comporte des sangles et des volumes qui limitent les mouvements aux coudes et aux genoux, au cou et au dos. Ajoutez des gants et des lunettes qui réduisent respectivement le sens du toucher et de la vue, et vous venez de prendre 30 ans d’âge.

« Il s’agit d’un outil fantastique, affirme M. Laansoo. On a beau être au fait des restrictions que subissent les personnes plus âgées, c’est une toute autre chose que de l’expérimenter au premier plan, en se glissant dans leur peau. »

Certes, lorsqu’ils enfilent la tenue de l’âge d’or, les membres de l’équipe ergonomique laissent couler quelques rires. « L’on se sent si ridicule, dit M. Laansoo. Le survêtement est encombrant et nous donne l’air de quelqu’un qui devrait travailler dans un garage ou un entrepôt. On n’a plus du tout l’impression d’être un designer ou un ingénieur en chef! »

Mais passés les premiers instants, les nouveaux « vieillards » découvrent ce que c’est que de vivre avec un état d’arthrite avancé ou une collection de vieilles blessures de sport.

« Il devient soudain laborieux de se mouvoir, raconte M. Laansoo. Lever le bras pour ouvrir une portière, grimper sur le siège avant, ramener la jambe… Tous ces gestes consomment une énergie insoupçonnée. Voilà qui nous ouvre les yeux et nous aide à penser au-delà de nous-mêmes. »

La principale conséquence de cet ensemble du 3e âge ? Les sièges sont désormais positionnés plus près de la portière, de façon à ce que les occupants n’aient plus à y grimper, mais puissent plutôt y glisser. Quoi, vous n’aviez pas remarqué ? « C’est donc que nous avons bien fait notre boulot, » s’exclame l’ingénieur.

La beauté de la chose, c’est que ces petits détails, conclut M. Laansoo, profitent à tous les autres. Ainsi, la banquette arrière de certains véhicules qui se rabat d’une commande électrique a été conçue afin d’en faciliter la manipulation auprès des gens du troisième âge.

Mais avouez, qui ne profite pas aussi du dispositif?

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