Que signifie le scandale VW pour les clients - et la planète?
De dernière heure: un communiqué que vient d’émettre le gouvernement du Canada (dans son intégralité en fin de ce texte) annonce l’ouverture d’une enquête sur l’utilisation présumée de dispositifs de mise en échec par Volkswagen dans le but de contourner la réglementation sur les émissions.
Est-ce que votre Volkswagen TDI est dangereuse?
Non. Vous ne verrez pas la bouche des canons de Transport Canada (ou de l’américaine NHTSA) émettre un rappel, comme pour l’accélérateur fou de Toyota ou l’interrupteur pervers de GM.
C’est que le logiciel dont il est ici question, et qui permettrait aux Volkswagen TDI de contourner les normes d’émissions polluantes (les mêmes tant au Canada qu’aux États-Unis), n’affecte en rien la sécurité automobile.
«Les propriétaires des véhicules (visés) doivent savoir que l’efficacité des dispositifs de contrôle des émissions polluantes d’une automobile n’est pas une question de sécurité,», dit Environnement Canada qui, en réponse à la situation, affirme collaborer très étroitement avec ses vis-à-vis américains.
S’il y a danger, celui-ci réside plutôt dans la pollution qu’émettent (illégalement) les véhicules concernés. Nous vous en parlons plus en détails ci-dessous, mais en attendant, rappelez-vous: cet été, la mairesse de Paris a dit vouloir bannir toute motorisation diesel de la Ville-Lumière d’ici 2020.
Quels modèles sont touchés, précisément?
Réponse: tous les modèles Volkswagen propulsés par le quatre cylindres (2,0L) turbodiesel et vendus en Amérique du Nord depuis l’année-modèle 2009 (depuis l’année-modèle 2013 en ce qui concerne la Volkswagen Passat).
En voici la liste, émise par l’agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA), celle-là même qui a ouvert le bal des accusations, vendredi dernier:
• Jetta TDI (2009 – 2015)
• Beetle TDI (2009 – 2015)
• Audi A3 TDI (2009 – 2015)
• Golf TDI (2009 – 2015)
• Passat TDI (2014-2015)
Vous remarquez que les Volkswagen Touareg TDI et grandes berlines Audi TDI, qui recourent plutôt au V6 (3,0L) diesel du constructeur allemand, ne sont pas (encore) touchés. D’ailleurs, peut-être ne le seront-ils pas, puisqu’ils embarquent un (coûteux, mais apparemment efficace) dispositif de traitement des émissions par l’urée.
Pouvez-vous aujourd’hui acheter une Volkswagen TDI?
Mis à part le Volkswagen Touareg TDI, la réponse est: non. Pas depuis lundi, moment où Volkswagen Canada et Volkswagen of America ont stoppé toute vente de leurs modèles diesel.
Les divisions nord-américaines du constructeur allemand ont arrêté la vente non seulement des modèles 2016 pour lesquels l’EPA n’a toujours pas accordé de certification (en lire les raisons dans notre texte publié dimanche), mais aussi des modèles 2015 qui, pour le moment, dormiront dans les salles de montre et stationnements des concessionnaires.
Combien de véhicules Volkswagen sont touchés au Canada?
Quelque 107 000 véhicules Volkswagen TDI ont été vendus au Canada depuis l’année-modèle fatidique (2009).
C’est quatre fois et demie moins que la flotte visée par le scandale aux États-Unis (482 000 véhicules), mais c’est énorme, puisque historiquement, le marché canadien représente à peine un dixième de celui américain.
Je roule une TDI: que dois-je faire?
Pour le moment: rien, malheureusement. Mais attendez-vous à recevoir prochainement une lettre du constructeur avec les détails de la marche qu’il entend suivre.
Il faudra voir si Volkswagen décidera, en plus de payer les amendes qui devraient lui être imposées, d’apporter les modifications nécessaires – ou pas.
Il serait toutefois étonnant que Volkswagen, qui admet déjà publiquement la tricherie, ne donne pas suite au problème. Et à ce stade-ci, deux hypothèses se dessinent:
Soit Volkswagen s’attaquera à développer un système de traitement à l’urée (AdBlue) qu’il pourra fixer après-coup sur chaque véhicule concerné. Voilà qui signifiera un temps de recherche et de développement, puis d’énormes frais pour installer de la tuyauterie additionnelle – sans compter une éventuellement compensation pour les clients lésés.
Ou soit Volkswagen rappelle tous les véhicules TDI visés, afin de gratuitement re-programmer le logiciel de mise en échec, de sorte que le contrôle des émissions s’effectue de façon permanente – et en respect avec les normes fédérales.
En auquel cas, soutient un expert que nous avons interrogé ce matin et qui souhaite conserver l’anonymat, on parlerait alors d’une réduction des performances du véhicule (puissance et/ou couple) de l’ordre de 20%. C’est beaucoup, pour une marque qui vante la conduite dynamique de ses produits.
Et quand bien même un vaste rappel serait lancé en ce sens, il faudra voir si tous les propriétaires de véhicules TDI accepteront pareille solution. Nul doute que certains d’entre eux ignoreront le rappel, afin de pouvoir continuer de rouler leur véhicule sans perte de performance (ou d’efficacité énergétique, ça reste à voir).
Dans les deux cas, le processus promet d’être long et pénible pour tous.
Quelles amendes le Canada pourrait-il imposer à VW?
Aux États-Unis, la loi fédérale environnementale est claire: toute violation au Clean Air Act peut entraîner une amende de 37 500$ par véhicule – d’où l’astronomique chiffre de 18$US milliards qui circule dans les médias depuis le début de la tourmente.
Au Canada, la loi a moins de mordant. En vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), toute condamnation est passible, pour une grande entreprise, d’une amende maximale de 6$ millions. Le tribunal peut cependant ordonner des sanctions supplémentaires s’il juge qu’un bénéfice a été obtenu lors de la perpétration du délit. (Lisez les détails légaux précis en fin de texte.)
Environnement Canada rappelle que l’utilisation d’un dispositif automobile de mise en échec (defeat device), ce dont Volkswagen est accusé par l’EPA, est interdite au Canada.
Les véhicules Volkswagen TDI visés polluent dans quelle mesure?
Bob Oliver, directeur de l’organisme environnemental canadien Pollution Probe, estime qu’en conduite normale, les véhicules Volkswagen TDI visés pollueraient autant que les automobiles des années 1980, voire des années 1970.
M. Oliver souligne par ailleurs qu’à l’été dernier, la ville de Toronto n’a pas eu à décréter de journée de smog intense, alors qu’elle a dû intimer à ses habitants de rester à l’intérieur et de limiter leurs activités à presque 50 reprises en 2005. «J’attribue directement cette amélioration aux resserrements des normes de pollution environnementale», nous a dit le directeur.
(NDLR: De fait, la ville de Toronto n’a émis aucun avis de smog intense ni en 2015, et non plus en 2014. Dix ans plus tôt, soit en 2005, elle avait cependant émis 14 avis qui sont demeurés en vigueur pendant un total de 48 jours.)
Il faut savoir que depuis 2009, les lois nord-américaines qui régissent la pollution automobile sont les sévères au monde envers les motorisations diesel (plus même que celles européennes), allouant un maigre 0,07mg d’émissions d’oxydes d’azote (NOx) par mille parcouru.
En désactivant la switch (les mots sont de l’EPA) du dispositif qui contrôle les émissions, le logiciel (présument) truqué de Volkswagen ferait en sorte que les véhicules TDI pollueraient de 10 à 40 fois plus que ce qui est autorisé par les lois de notre continent.
Notez que le laboratoire de la Virginia West University (la… VWU, par le plus grand des hasards) qui a découvert le pot aux roses «Volkswagen» aussi tôt qu’au printemps 2014, avait testé dans les mêmes conditions les émissions d’un BMW X5 xDrive 35d.
L’utilitaire à motorisation diesel de BMW avait alors passé l’épreuve haut la main.
Et la valeur de revente?
De toujours, les véhicules à motorisation diesel profitent d’une meilleure valeur de revente, de par leur économie en carburant, mais aussi parce qu’ils sont réputés deux fois plus durables que ceux à essence. D’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre des propriétaires de VW TDI se vanter d’avoir franchi les 500 000 kilomètres – et d’encore rouler.
Il est certain que Das Skandal entachera non seulement la réputation de Volkswagen (c’est déjà fait…), mais également la valeur de revente des véhicules visés.
Au Québec, où les tests d’émissions polluantes ne sont toujours pas à l’agenda provincial, la donne n’empêchera pas un automobiliste de vendre à un autre son véhicule TDI. Mais ailleurs sur le continent, là où les tests d’émissions font partie de l’entretien d’usage (en Ontario, notamment), il pourrait devenir difficile de faire ré-immatriculer un VW TDI.
Saviez-vous que…
… selon Dennis Desrosiers, grand manitou de la statistique automobile au Canada, il y aurait actuellement 750 000 véhicules à motorisation diesel (VW et autres) immatriculés au pays. Soit à peine 3% de notre actuelle flotte de 24 millions de véhicules.
COMMUNIQUÉ
Le gouvernement du Canada ouvre une enquête sur l’utilisation présumée de dispositifs de mise en échec par Volkswagen dans le but de contourner la réglementation sur les émissions
OTTAWA, Ont. – le 22 septembre 2015 – Le 18 septembre 2015, l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis a remis à Volkswagen un avis d’infraction à la Clean Air Act. Selon cet avis d’infraction, les modèles équipés d’un moteur diesel quatre cylindres de marques Volkswagen et Audi construits entre 2009 et 2015 sont dotés d’un dispositif de mise en échec qui permet aux voitures de contourner les normes de l’EPA visant les émissions de certains polluants atmosphériques.
Aujourd’hui, Environnement Canada a fait la mise à jour suivante au sujet de cette affaire:
« Le gouvernement du Canada a mis en œuvre des normes rigoureuses pour réduire les émissions de polluants atmosphériques provenant des nouvelles voitures sur le marché canadien en vue de contribuer à préserver la qualité de l’air que les Canadiens respirent, et ce, en veillant à ce que ses normes soient alignées sur celles de l’EPA des États‑Unis.»
« Puisque des normes d’émissions alignées sont en vigueur, Environnement Canada collabore étroitement avec l’EPA des États-Unis en vue d’atteindre des résultats communs aux deux pays sur le plan de l’environnement.»
« Dès qu’Environnement Canada a eu connaissance du dossier, il a immédiatement réagi en évaluant les répercussions possibles pour le Canada, et des responsables au Ministère sont en discussion avec leurs homologues de l’EPA des États-Unis et des représentants du groupe Volkswagen Canada.»
« Après un examen minutieux des faits connus, Environnement Canada a ouvert une enquête sur cette affaire. Une enquête comporte la collecte de preuves et de renseignements provenant de diverses sources au sujet d’une infraction présumée.»
« Les lois et les règlements du Canada interdisent aux constructeurs et aux importateurs d’automobiles de munir un véhicule d’un dispositif de mise en échec. Si les agents recueillent suffisamment de preuves d’infractions, des mesures d’application de la loi seront prises conformément à la Politique d’observation et d’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999).»
« L’enquête étant en cours, il serait inapproprié de donner davantage de renseignements à ce stade-ci.»
« Selon les estimations, quelque 100 000 voitures équipées d’un moteur diesel quatre cylindres de marques Volkswagen et Audi construites entre 2009 et 2015 ont été vendues au Canada.»
« Les propriétaires de voitures doivent savoir que, même si l’utilisation présumée d’un dispositif de mise en échec nuit à l’efficacité du système qui sert à réduire la pollution atmosphérique du véhicule, ce dispositif ne met pas la sécurité en jeu. »
Contexte sur les sanctions en cas de violation de la réglementation du Canada visant les émissions:
Les règlements du Canada visant les émissions des véhicules sont établis en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE (1999)]. Une infraction à ces règlements peut être sanctionnée lorsque le contrevenant est reconnu coupable. En vertu de cette loi, la peine maximale prononcée contre une grande entreprise pourrait s’élever à 6 millions de dollars par infraction. Le contrevenant peut également devoir renoncer à tous les avantages tirés d’une infraction. Le dirigeant d’entreprise peut être poursuivi s’il autorise ou accepte un acte contrevenant à la LCPE (1999) ou à ses règlements, ou s’il y prend part. Sur déclaration de culpabilité, le contrevenant est passible de diverses pénalités, notamment des amendes et des peines d’emprisonnement.