Prix de l'essence: pas encore la panique, mais...

Dossiers
lundi, 28 mai 2012
Le mois où l'essence a coûté le plus cher au Canada a été celui d'août 2008 - avec des sommets à 1,50$. En ce printemps 2012, on n'en est pas loin, de ce record. Est-ce dire que c'est la panique à bord et que tout le monde veut se départir de son gros camion gourmand? Pas cette fois.

« Du moins, pas encore, » dit Josh Bailey, porte-parole de Canadian Black Book, cette entreprise canadienne qui collige les valeurs automobiles de revente pour le pays.

Mais... ça pourrait venir.

Il y a quatre ans, c'était la tempête parfaite. On n'avait jamais vu le prix de l'essence aussi élevé, on était à l'aube d'une crise financière et personne ne voulait changer de véhicule.

Encore moins s'acheter de camion glouton.

Les ventes - et les valeurs de revente pour ces véhicules avaient alors drastiquement chuté. George Iny se rappelle, à l'époque, d’un Jeep Grand Cherokee vieux d'à peine trois ans, équipé "au bouchon"... s'annoncer pour moins de 17000$.

C’était trois fois moins que son coût d'acquisition.

Les gens s'en foutent?

Depuis le début de l’année 2012, les prix du carburant sont repartis à la hausse, mais pour l'instant, Canadian Black Book ne sent pas que la valeur de revente des camions est en chute libre.

« On dirait que les gens s'en foutent, » dit Josh Bailey.

Même qu'au premier trimestre de 2012, les Canadiens ont acheté plus de camions que de voitures (57% contre 46%).

Pensent-ils que les prix à la pompe vont redescendre à des niveaux plus confortables? Ou... se sont-ils déjà débarrassé du véhicule qu'ils trouvaient trop gourmands?

Peut-être que le ménage a déjà été fait lors de la dernière grande crise et qu'aujourd'hui, il ne reste à bord des camions, qui roulent au pays, qu'un noyau de gens bien nantis pour qui la hausse du carburant n'a aucun impact sur le budget familial.

On roule moins

Et, évidemment, il reste ceux qui n'ont d'autres options que de rouler dans de tels véhicules - généralement, des travailleurs ou des entrepreneurs de la construction.

Mais ceux-là trouvent le moyen de "moyenner". D’une part, ils ont davantage de choix, ces dernières années, merci aux constructeurs qui conçoivent des camions plus frugaux (pensez hybrides, turbo, injection directe, diesel, alouette).

D’autre part, ils lèvent le pied.

D'ailleurs, au plus fort de la crise en 2008, Dennis DesRosiers, grand manitou de la statistique au Canada, révélait que les Canadiens propriétaires d'utilitaires et de camionnettes avaient substantiellement réduit leur kilométrage : ils avaient roulé de 1000 à 1500km de moins qu’en 2006.

Au Québec: on est déjà "petit"!

Comme à peu près dans tout, le Québec exprime sa différence. Dans la Belle Province, les automobilistes roulent déjà dans de petits véhicules – leur marge de manœuvre est donc plus mince, quand vient le temps de contrecarrer le prix du carburant.

C’est en effet ici, de toute l’Amérique du Nord, qu’on achète la plus grande proportion de véhicules économes en carburant (est-ce qu’on peut voir là un lien avec le fait que, mises à part Yellowknife et Labrador City, c’est dans les villes québécoises que l’essence coûte le plus cher de tout le continent?)

Une chose est sûre : bien qu’au pays, la province francophone ne représente “que” le quart du marché automobile au Canada, elle achète plus du tiers des voitures compactes qui y sont vendues.

Et presque la moitié des sous-compactes.

Elle est également celle qui enregistre le plus faible taux de pénétration “camions” de tout le pays : alors que les Canadiens optent une fois sur deux pour un camion, les Québécois, plus écolos, ne le font qu’une fois sur trois.

Et lorsqu’ils le font, deux fois sur trois, ils choisissent un petit modèle.

Autrement dit, malgré les prix galopants du carburant, les Québécois ne peuvent passer du gros utilitaire à la petite Toyota Yaris… parce qu’ils roulent déjà en Toyota Yaris!

 

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