L'hybride, ça vaut le coût

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samedi, 1 octobre 2005
Le litre d’essence à plus d’un dollar. Qu’attendez-vous pour vous mettre au vert?

Coincés sur la 15, à la sortie de Laval, les automobilistes qui m’entourent font grise mine. Dans la longue file qui se traîne à 20 km/h, je suis bien la seule à sourire. Ma Toyota Prius avance toutes vitres fermées dans un silence absolu. A chaque décélération, je ne peux m’empêcher de fixer l’écran du tableau de bord qui indique que la pile de mon moteur électrique se recharge.

Contrairement à ceux de mes compagnons d’infortune, mon véhicule ne dégage en ce moment aucun gaz à effet de serre. Je remarque au passage que la jauge d’essence est dans le rouge. Je n’ai pas fait le plein depuis un bon moment. J’en ai mis pour 35$, et j’ai depuis roulé 830 kilomètres – 4,7 litres aux 100 km, moins que l’Echo!

Une fois la circulation redevenue fluide, j’appuie doucement sur l’accélérateur. A 35 km/h, le moteur à essence de ma Prius prend le relais du système électrique. Elle se comporte alors comme une berline normale. Pas mal pour une voiture qui pollue et consomme deux ou trois fois moins que n’importe quel modèle courant de puissance comparable.

Au canada, 18 millions de véhicules parcourent annuellement 300 milliards de kilomètres et rejettent dans l’atmosphère plus de 80 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Selon Erik Brunet, de Ressources naturelles Canada, si tous les automobilistes canadiens roulaient demain matin en hybride, ils épargneraient annuellement 10 milliards de litres d’essence. A 1$ le litre, c’est une économie de 10 milliards de dollars par année. Et 24,4 millions de tonnes de CO2 en moins dans l’atmosphère – chaque litre d’essence consommé produisant environ 2,4 kg de gaz carbonique.

Les véhicules hybrides ne sont plus une utopie, et, avec l’augmentation récente du prix de l’essence, ils sont même devenus d’excellentes options. Trois constructeurs se sont d’ailleurs engagés dans cette révolution verte: Toyota/Lexus (Prius et Highlander hybride, Lexus RX400h), Honda (Insight, Civic Hybrid et Accord Hybrid), Ford (Escape hybride). Et ce n’est qu’un début. La firme américaine J. D. Power and Associates prévoit que, d’ici à 2010, le marché nord-américain offrira une quarantaine de modèles hybrides, avec des ventes qui occuperont 3% du marché (contre 0,5% actuellement).

Si, pour le moment, peu d’automobilistes franchissent le pas, c’est que certains mythes ont la vie dure. Non, il n’est pas indispensable de brancher son hybride tous les soirs en rentrant. Oui, elle démarre parfaitement en hiver puisque ce type de véhicule est doté d’un moteur à essence, semblable à celui des modèles traditionnels. Pour ce qui est de la fiabilité, les consommateurs devraient être rassurés: avec huit ans de garantie (ou jusqu’à 160000 km) sur les composantes hybrides, les constructeurs offrent une protection qui couvre l’espérance de vie moyenne d’un véhicule au pays.

Les ingénieurs ont aussi fait des efforts considérables pour gommer tous ces petits irritants qui faisaient de l’hybride une «voiture à part» en termes de conduite. J’ai fait l’essai de tous les modèles hybrides actuellement sur le marché. Chaque fois, j’aurais pu me croire au volant de véhicules traditionnels, n’eût été de leur propension à se faire aussi muets qu’un kart de golf à l’arrêt et à basse vitesse.

Le passage à la pompe réserve aussi de belles surprises. Avec la Lexus RX400h, en pleine heure de pointe à Montréal, je ne consommais pas plus d’essence qu’avec une Toyota Matrix (8,2 l/100 km). Et, avec le Ford Escape, version deux roues motrices, j’ai réussi un impressionnant 5,9 l/100 km dans les rues encombrées de Los Angeles.

Un utilitaire qui se fait moins gourmand en ville que sur l’autoroute? C’est le monde à l’envers! Pas surprenant que le véhicule ait été nommé Camion de l’année 2005 pour l’Amérique du Nord.

Tous les hybrides sont bien sûr très différents les uns des autres. La Honda Accord Hybrid mise davantage sur un ajout de performance, livré par le moteur électrique, que sur une consommation réduite de carburant. La consommation moyenne de 9,9 l/100 km que j’ai obtenue n’a rien d’exceptionnel, sauf si l’on tient par ailleurs compte du fait que le moteur développe… 255 chevaux.

Pour l’heure, les véhicules hybrides sont plus chers que les modèles traditionnels, mais l’écart tend à se rétrécir: à 30530$, le prix de la Toyota Prius se rapproche sensiblement de celui d’une Toyota Camry bien équipée, une berline intermédiaire tout comme elle.

Et les économies d’essence, étalées sur la vie d’un véhicule, en font un achat tout à fait intéressant. Véritable laboratoire sur quatre roues, la Prius offre aussi son lot de nouvelles technologies, notamment le déverrouillage et le démarrage sans clé. Il suffit d’appuyer sur le bouton power pour démarrer – ne soyez pas surpris si vous n’entendez aucun bruit de moteur.

Comme quoi hybride et «cool» peuvent aller de pair… Qu’attendez-vous?


Et les carburants verts?

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation en 2006, les véhicules diesel vont devenir vraiment intéressants. Véritable révolution en matière énergétique, la réglementation canadienne exigera que la teneur en soufre de ce type de carburant ne dépasse pas les 15 mg/kg. Actuellement, le diesel canadien peut en contenir un maximum de 500 mg/kg.

Les véhicules diesel ont l’avantage de pouvoir parcourir plus d’un millier de kilomètres avec un seul plein. Avec un carburant contenant 97% moins de soufre dès l’année-modèle 2007, ils franchiront une autre étape vers l’option «verte» et figureront au palmarès des véhicules les moins polluants du marché. Shell Canada a déjà investi plus de 200 millions de dollars dans sa raffinerie de Montréal pour être prête dès 2006.

L’hydrogène, liquide ou sous forme gazeuse, constitue un autre carburant de remplacement qui a le mérite de ne produire que très peu d’émissions polluantes. Quand l’hydrogène est pur, le tuyau d’échappement n’émet que de la vapeur d’eau…

Plusieurs obstacles parsèment cependant la route de l’hydrogène. D’abord, sa production.

«Il reste encore à trouver le moyen de le produire de façon propre, dit Erik Brunet, de Ressources naturelles Canada. Actuellement, les techniques n’en permettent pas une production de masse suffisante pour alimenter tout le parc automobile. Pour ce faire, il faudrait couvrir la province d’éoliennes…»

Sa distribution constitue un autre enjeu majeur: il en coûterait des milliards de dollars en infrastructures pour offrir aux automobilistes un réseau de ravitaillement en hydrogène semblable à celui qui existe pour l’essence.

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