Le marché automobile en Chine : copies et tofu

Dossiers
mardi, 21 novembre 2006
Pékin, Chine – Un collègue qui n’en était pas à son premier Salon de l’Auto chinois m’avait mise sur la piste : «Ici, les véhicules les plus intéressants sont ceux qui copient les grandes marques internationales.» Je n’avais pas fait trois pas au China International Exhibition Center que déjà, je tombais sur l’un de ces clones...

Le Sceo, fabriqué par ShuangHuan Auto, imite plutôt bien le design extérieur du BMW X5. Pas le design intérieur, cependant : d’allure terne, plastronné de simili-cuir et de plastiques rugueux, l’habitacle n’a rien de très luxueux. Mais est-ce qu’on aurait raison de s’en plaindre, à un prix d’étiquette de 140 000 Yuan (20 000$ canadiens)?

Même scénario au kiosque voisin, où trône le Plutus, un duplicata du Chevrolet Colorado réalisée par SG Automotive Group. Prix de base : 70 000 Yuan. Soit à peine 10 000 de nos dollars.

Planté devant ce calque de la camionnette américaine, David Lyon, directeur du design pour GM Asie-Pacifique, est visiblement ébranlé : « Je ne devrais pas être choqué, mais je le suis quand même, » lance le natif de l’Illinois.

Faudrait-il se montrer flatté de voir ses modèles ainsi plagiés? Lyon fait la moue : « Les Chinois ont sauté l’étape ‘création’ et définitivement, ce n’est pas bon pour eux. Comme pour les sacs à main, leurs copies ne sont pas à la hauteur. »

La Chine : premier marché mondial?

Qu’importe, puisqu’en Chine, les plus folles prévisions sont dépassées. De moins de deux millions de véhicules en 1998, le marché a dépassé les sept millions, l’an dernier. Selon Nick Reilly, président pour GM Asia-Pacifique, la Chine pourrait bien arracher aux États-Unis, d’ici 10 ou 15 ans, le titre de plus important marché automobile de la planète. Rien de moins.

C’est que la tarte « chinoise » est immense, avec ses presque 1,5 milliard d’habitants. Tous les constructeurs automobiles y veulent leur part, et la concurrence y est féroce. Aux GM et Volkswagen, leaders avec le quart de toutes les ventes, s’ajoutent désormais les Toyota, Honda, Hyundai et autres grands de ce monde.

Voilà qui est sans compter la centaine (!) de constructeurs chinois qui occupent un autre quart du marché – et qui proposent des prix souvent imbattables. Par exemple, la Xiali, la voiture la plus vendue en 2005, débute… à 38 000 Yuan (5500$ canadiens).

La voiture, roi et maître

Curieusement, le marché chinois n’en est pas un d’utilitaires. Du moins, pas encore. Peut-être est-ce lié au fait que ces véhicules sont surtout l’apanage des autorités gouvernementales.

Les SUV n’occupent donc que 5,3% des ventes et les fourgonnettes, 4,5%. Ces dernières, d’ailleurs, sont reconnues ici comme des véhicules corporatifs, pas familiaux. Il est vrai qu’avec sa politique « une famille, un enfant », la Chine ne compte pas les plus grandes maisonnées de la planète...

Tout à l’opposé, la voiture occupe neuf transactions automobiles chinoises sur dix. Et les hausses y sont fulgurantes : 40% pour les sous-compactes, 48% pour les compactes et 39% pour les intermédiaires, l’an dernier.

À elle seule, la Chevrolet Aveo a enregistré une augmentation de… 476%! « Nous savions que le marché allait évoluer rapidement, mais il évolue cinq fois plus vite que nous l’aurions cru, » dit Kevin Wale, président de GM Chine.

Clients… mystères?

Que priorisent les Chinois, à l’achat d’un véhicule? Difficile à dire, puisque 80% d’entre eux en sont à leur première transaction automobile, soutient la firme J.D. Power. « Comment définir sa clientèle alors qu’elle ne s’est même pas matérialisée dans le marché? » lance Michael Dunne, d’Automotive Resources Asia (ARA).

Quelques tendances se dessinent, cependant. D’abord, les performances ne sont pas au cœur des priorités. Au Salon de l’Auto de Chine, qui s’est déroulé en novembre dernier, les petites cylindrées avaient la cote. Le Plutus-Colorado, par exemple, développe à peine 102HP...

Les Chinois les aiment longues

Aussi, les berlines ont tendance à s’offrir en versions allongées. La Cadillac SLS, dévoilée à l’automne, fait 10 centimètres de plus que sa variante américaine STS. Et contrairement aux STS américaines, elle s’offre avec des sièges arrière chauffants à ajustements multi-directionnels et fonction massage.

Cette adaptation, on la doit au Pan Asia Technical Automotive Center (PATAC), un partenariat 50-50 avec le partenaire domestique de GM, SAIC. Le directeur général, Bernard Bierzynski, estime que la clé du succès réside justement dans ces adaptations locales de modèles globaux.

« Nous tentons ici d’exploiter ce qui est exclusif au marché chinois, conclut-il. C’est un peu comme le tofu – qui est aux Chinois ce que le fromage est aux Américains. Il nous faut découvrir le tofu qui soit unique aux Chinois et qui leur plaisent. »

... Du tofu, vraiment?


Aux États-Unis, l’on compte près de 800 véhicules par 1000 habitants. En Chine, l’on compte actuellement moins de 10 véhicules par millier d’habitants… Le potentiel est énorme et les experts président que d’ici 10 ou 15 ans, le pays de 1,5 milliard d’habitants arrachera aux États-Unis le titre de plus important marché automobile.
 

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