Le 19 juin : moins de 25 ans, moins de points d’inaptitude!

Dossiers
mardi, 14 juin 2011
Jeunes détenteurs de permis de conduire, vous avez moins de 25 ans? Commencez dès maintenant à conduire les fesses (encore plus) serrées. Parce qu’à partir du 19 juin, vos points d’inaptitude seront réduits de moitié. Et pas question de droits acquis.

Suivez-nous bien, parce que c’est tout simple : à compter du 19 juin, les détenteurs d’un permis régulier âgés de moins de 25 ans ne pourront plus accumuler 15 points d’inaptitude avant de perdre leur droit de conduire.

Cette ‘banque’ leur sera réduite de moitié (à huit points) pour les moins de 23 ans et à 12 points pour les 23-24 ans. Il leur faudra donc attendre d’avoir 25 ans pour bénéficier de « la totale ».

Pas question de droits acquis : tout le monde (de moins de 25 ans) passe sous le nouveau régime. Même ceux qui possèdent leur permis depuis plusieurs années déjà.

Et qu’advient-il de ceux qui excèdent déjà le nombre de points auxquels ils auront dorénavant droit? Non, ils ne perdront pas leur permis pour autant – pour l’instant, du moins. Mais une lettre de la SAAQ leur sera personnellement adressée les avisant qu’à la prochaine infraction entraînant des points d’inaptitude, leur droit de conduire leur sera révoqué, selon la gravité de la situation, de trois mois, six mois, voire 12 mois.

Qui dit révoqué, dit qu’après le laps de temps imposé sans permis, il faut refaire (et payer pour) les examens écrit et pratique. Autrement dit : « Le jeune conducteur commettant des infractions et ayant un comportement à risque sur le réseau routier sera sanctionné par la perte de son permis plus rapidement et plus longuement, » dit Gino DesRosiers, porte-parole à la SAAQ.

On vous l’avait dit, que c’était simple.

What the… SAAQ?

Dans les forums Internet, les échanges prennent tous le ton scandalisés : « KOI, ma tomber a 8 points, mois?!?! ... Cé bin nimporte koi ca tbnk!!! » (Sic).

Je sais, vous n’êtes pas comme ça, vous. Vous êtes jeunes, certes. Mais aucun point d’inaptitude (ou si peu) ne vient ternir votre dossier de conducteur. Vous êtes sérieux, vous utilisez votre voiture pour vous rendre aux études ou au boulot, pas pour rentrer saoul d’une soirée bien arrosée. Même que vous êtes plus souvent qu’autrement le chauffeur désigné.

Malheureusement, votre cohorte (les 16 à 24 ans) est surreprésentée dans les accidents de la route avec décès – et pas seulement au Québec : partout sur la planète. Vous n’êtes que 10% des conducteurs dans la Belle Province, mais de tous les conducteurs impliqués dans un accident avec blessés en 2009, vous en avez représenté le quart.

Vous êtes aussi surreprésentés au chapitre des contraventions : vous êtes les auteurs des excès à grande vitesse (plus de 45km/h) deux fois sur cinq – soit quatre fois plus que votre représentation. Aussi, si vous étiez tous sages et prudents, vous ne récolteriez pas la moitié (la moitié!) des infractions pour excès de vitesse ou action imprudente distribués au Québec.

Mais bon, il y en a pour qui le message n’a pas encore passé.

La faute au cerveau

Tous des abrutis, ces jeunes? Que non. Et même ceux qui le sont… n’en sont peut-être pas entièrement responsables. Un document utilisé par Éduc’Alcool montre que le cerveau des jeunes, encore en développement, est peut-être le grand coupable.

En effet, les deux premiers sens à se développer sont le plaisir et la douleur. Vient ensuite l’augmentation de la sensibilité aux stimuli visuels. Jusque là, pas de problème, dites-vous? En fait, oui. La dernière partie du cerveau à se développer – et elle ne le fera que vers les 23-25 ans – c’est le jugement. (Les mauvaises langues diront que pour certains, cette partie ne se développera jamais…).

C’est donc dire que les jeunes sont d’abord sensibles au plaisir (une cause de la dépendance à l’alcool et aux drogues, notez bien), puis ils sont de plus en plus réceptifs aux stimuli (comme la vitesse). Mais… leur jugement, lui, n’entrera en scène que bien plus tard. Beau cocktail, n’est-ce pas?

Une mesure surprise?

Ce n’est donc peut-être pas de votre faute – enfin, je veux dire, de la faute de ceux qui pêchent par excès de vitesse, par la prise de risques inutiles et par une trop grande confiance en leurs moyens (pourtant, les jeunes conducteurs partagent tous un point en commun : ils sont inexpérimentés!).

Reste que l’hécatombe sur nos routes chez les jeunes ne semble pas vouloir ralentir et il fallait faire quelque chose. Les mesures graduelles qui entrent en vigueur le 19 juin, sorte de nouvelle phase intermédiaire après le permis probatoire (toujours à quatre points, celui-là), ont été notifiées il y a plus de trois ans, déjà.

Vous ne vous rappelez pas? C’est parce qu’elles ont été annoncées dans la foulée de la Loi 42, celle qui nous a remis les cours de conduite obligatoires, exigé les pneus d’hiver, apporté les photo-radars et la notion de grands excès de vitesse, interdit le cellulaire au volant et resserré les sanctions en matière d’alcool au volant.

Cette toute dernière application de la Loi 42, peu de gens l’ont vue venir. À peu près tout le monde a été pris par surprise il y a quelques jours, quand la SAAQ a finalement émis un communiqué laconique informant de la chose. L’entreprise Solutionticket.com a dès lors inscrit une mention spéciale à son site Internet. Résultat : elle a passé les derniers jours à répondre à de nombreux coups de téléphone de jeunes inquiets.

Le tiers des permis retirés… mais ça pourrait être pire

Le jeune conducteur consciencieux ne s’inquiètera pas du compte de se points d’inaptitude. Mais vrai que des points autrefois appelés « de démérite », ça s’accumule rapidement. Un arrêt ‘manqué’? Trois points. Parler dans son cellulaire au volant sans dispositif mains-libres? Trois points. Conduire à 150 km/h sur l’autoroute? Cinq points. À 180 km/h? 14 points.

Vous, jeune conducteur sérieux, vous ne faites pas ça. Mais d’autres le font : en 2009, plus du tiers des permis de conduire retirés après l’atteinte de 15 points étaient ceux de jeunes de moins de 25 ans. Et on ne vous parle pas des permis retirés pour facultés affaiblies au volant.

M’est avis que ces nouvelles mesures graduelles feront augmenter le nombre de jeunes qui raflent des contraventions pour conduite sans permis. La SAAQ soutient plutôt que ces mesures permettront d’intervenir plus rapidement auprès des conducteurs fautifs.

Autrement dit, on vous donne moins de corde, à vous les jeunes, pour vous étrangler.

Bien sûr, certains choisiront quand même de conduire sans permis (attention : cette infraction coûte entre 600$ et 2000$). D’autres solliciteront plus assidument qu’auparavant les services de Solutionticket.com et autres entreprises du genre. Car tout le monde le sait : tant qu’une contravention est contestée, elle n’apparaît pas à la SAAQ et les points d’inaptitude ne sont donc pas comptabilisés à son dossier. Un sursis, quoi.

Espérons cependant que les nouvelles mesures du 19 juin prochain, de même que celles qui imposeront d’ici un an la tolérance zéro quant à l’alcool chez tous les conducteurs de moins de 21 ans, fonctionneront. Et que lorsqu’on analysera les statistiques routières d’ici quelques années, on aura atteint les objectifs voulus : réduire les accidents et les décès impliquant les jeunes conducteurs.

Pour le moment, les autorités québécoises (le gouvernement, mais aussi la Table de concertation sur la sécurité routière) n’embrasse pas l’idée d’un couvre-feu pour les jeunes conducteurs. Et ils ne recommandent toujours pas de restreindre, comme en Ontario, le nombre de jeunes à bord d’un véhicule conduit la nuit par un ‘novice’.

Mais de telles mesures peuvent toujours venir s’ajouter, sans tambour ni trompettes, aux actuelles lois. Et encore une fois, on entendra s’écrier, dans les forums Internet : « What the SAAQ ».


Infos sur les mesures graduelles :
http://www.saaq.gouv.qc.ca/permis/acces_conduite/points_inaptitude.php
Points d’inaptitude : combien ça coûte?
http://www.saaq.gouv.qc.ca/permis/table_points.php

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.