La Zenn tire la plogue (2006-2010)

Dossiers
mardi, 29 décembre 2009
Si l’existence de la ZENN aura été fort courte – à peine quatre ans – on pourra néanmoins dire qu’elle se sera déroulée en dents de scie. Est-ce qu’on pleurera la disparition de la petite voiture électrique qui abolissait tout besoin de pleins d’essence et de vidanges d’huile? Sans doute pas, malheureusement…

Qui ne connaît la ZENN, dont l’acronyme signifie Zero emission, no noise? Petite voiture électrique assemblée par une dizaine d’employés à Saint-Jérôme, dans les Laurentides, la ZENN a d’abord été boudée par les autorités canadiennes.

En effet, alors que plus de 300 exemplaires avaient été vendus aux États-Unis (entre 2006 et 2008), la Zenn n’avait toujours pas le droit de circuler au pays de la feuille d’érable. Même que Transport Canada cantonnait l’utilisation de ce type de véhicules à basse vitesse à des bases militaires ou des campus universitaires.

La ministre des Transports du Québec, Julie Boulet, a corrigé le tir à l’été 2008. Dans le cadre d’un projet-pilote de trois ans, la Belle Province a autorisé la circulation de la ZENN (et du petit camion électrique Nemo construit à Sainte-Thérèse) sur nos routes dont la vitesse est limitée à 50km/h.

Ce jour-là, Gilles Allard, vice-président production chez Zenn, était tout sourire. Il prévoyait vendre quelque 300 Zenn par année à ses compatriotes québécois. Pierre Tison, de l’Institut du transport avancé du Québec, avait cependant tempéré de telles ardeurs: «Les véhicules à basse vitesse sont un pas dans la bonne direction, mais certainement pas la solution à tous les problèmes. Ils sont ‘de niche’ et quand on aura vendu 50, voire 100 Zenn au Québec, ça sera beau.»

De fait, en un an au Québec, la Zenn n’aura trouvé qu’une dizaine de preneurs…

Pour des livraisons sans pollution

Ça augurait bien, pourtant. À la journée portes ouvertes « Zenn » d’octobre 2008, l’usine jérômienne accueillait quelque 350 curieux désireux de voir de plus près celle qui n’était pas tributaire du prix de l’essence (le carburant se détaillait alors presque à 1,50$ le litre) et qui n’émettait aucun polluant.

Bien mal pris était celui qui lui cherchait un tuyau d’échappement!

Hugues Philippin était du nombre. Propriétaire de Chic Alors!, une pizzeria haut de gamme de Cap-Rouge qui s’affiche « verte » (excusez le jeu de mots…), l’homme d’affaire peut se vanter d’avoir été le tout premier au Québec à faire l’acquisition de la Zenn.

Il ne s’était pas laissé décourager par le prix : 16 000$ pour une deux places qui ne roule pas plus vite que 40km/h et pas plus longtemps que 60 kilomètres entre chaque recharge de huit heures, ça ne l’indisposait pas le moins du monde.

Au contraire, il trouvait que la Zenn était idéale pour des livraisons sans pollution. Qui plus est : «Nos chauffeurs ne pourront pas faire de vitesse dans les zones résidentielles!» lançait-il alors.
Après une année, son intérêt pour la Zenn ne s’était toujours pas estompé: «Elle est facile d’utilisation, demande peu d’entretien, sa construction en polymère résiste bien à nos hivers et sa traction est surprenante dans la neige. Et c’est malgré une finition de caisse bon marché, une suspension peu adaptée à nos routes défoncées et un freinage difficile à moduler.»

On change de cap

C’est par les journaux que Hugues Philippin a appris, au début décembre, que le constructeur canadien allait cesser la production de la Zenn dès avril prochain. La compagnie déclarait alors qu’elle entendait plutôt se consacrer à la ZENNergy, un ultra-capaciteur que la compagnie texane EEStor (electric energy storage) tente de mettre au point.

« C’est avec confiance que nous tournons une page dans l’évolution de la Zenn  Motors Company, la faisant passer d’un constructeur de véhicules à basse vitesse à un fournisseur pour les entreprises automobiles, » a dit Ian Clifford, grand patron dont les quartiers généraux sont établis à Toronto.

Dit plus simplement, la compagnie Zenn a choisi de changer de cap et de fournir d’éventuelles solutions électriques à l’industrie automobile, plutôt que d’assembler elle-même, par exemple, une future CityZenn capable de rouler à vitesse d’autoroute – et tel qu’elle l’avait pourtant annoncé en mars 2008.

Big bang toujours attendu

Si la technologie d’EEStor voyait le jour, ça voudrait dire que les piles au lithium sur lesquelles besognent les grands de ce monde – le prochain « bing bang » de la voiture électrique, soutiennent les experts – deviendraient désuètes avant même d’avoir été mises en marché. Imaginez : EEStor promet une autonomie automobile de 400 kilomètres pour une seule recharge de cinq minutes…

Trop beau pour être vrai? C’est ce que l’industrie croit, bien qu’elle ne demande qu’à être confondue. Mais le fait que la compagnie Zenn Motors Company prédise un tel miracle électrique « pour la fin de l’année » depuis… trois ans maintenant n’aide certainement pas la cause.

Sécurité déficiente

Dès le départ, la Zenn a eu de virulents détracteurs. Parce qu’il s’agit d’un véhicule à basse vitesse, elle n’était pas tenue de répondre à la quarantaine de standards imposés aux véhicules conventionnels par Transport Canada.

Pour elle donc, pas de coussins gonflables, pas de pare-chocs résistant à un minimum d’impact, pas de protection véritable pour les occupants. Tout au plus se devait-elle d’offrir des ceintures de sécurité.

Conséquence : « Le risque à bord de la Zenn est aussi élevé que pour une motocyclette et advenant une collision latérale, la voiture n’aurait pas beaucoup de chance, » soutenait Michel Gou, professeur à l’École Polytechnique qui y dirige, depuis 35 ans, une équipe de sécurité routière.

«Ce n’est pas ça, l’avenir électrique…»

S’il est un spécialiste du véhicule électrique au Québec, c’est bien Pierre Lavallée. Directeur pendant plus de dix ans du CEVEQ (maintenant le Centre National du Transport Avancé), M. Lavallée a vu d’un œil plutôt mauvais l’arrivée de la Zenn sur les routes québécoises. « C’est dommage, parce que ça va faire croire aux gens que c’est ça, la voiture électrique de demain, » déplorait-il.

Selon lui : « Le véhicule à basse vitesse est à l’automobile ce que… le poêle extérieur pour faire des feux dans sa cour est à la maisonnée qui compte déjà un four encastré, un micro-ondes et un BBQ. »

Une technologie ancestrale

Pour Lindsay Brooke, de la réputée américaine Society of Automotive Engineers, la Zenn utilisait une technologie du passé. On l’a dit plus haut, les piles au lithium-ion sont sans doute la réponse aux limitations des actuelles piles au nickel employées dans les voitures hybrides.

La Zenn, elle, emploie des… batteries au plomb, similaires à celles qui trônent sous le capot de nos véhicules depuis toujours et qui, de temps en temps, demandent à être survoltées.

« Ces piles existent depuis plus d’un siècle, explique M. Brooke. Certes, elles sont fiables, coûtent peu cher et sont hautement recyclables, mais elles ont une autonomie réduite, emmagasinent peu d’énergie et sont lentes à recharger. »

Voilà pourquoi les six batteries qui alourdissent le coffre arrière de la Zenn ne proposent qu’une autonomie de 60 kilomètres. Le Montréal-Québec en une seule journée? Oubliez ça…

C’est quand même l’amour

En quatre ans de production (2006-2010), la Zenn aura trouvé au total moins d’un demi milliers de preneurs en Amérique du Nord, dont à peine une dizaine au Québec où on venait pourtant de lui ouvrir la porte. La production cessera en avril avec les derniers modèles 2010, mais la compagnie dit qu’elle remplira ses obligations de constructeur et que le soutien technique sera assuré pour les prochaines années à venir.

Hugues Philippin craint-il pour l’avenir de celle qui trône dans le stationnement de sa pizzeria? « C’est sûr que je n’ai pas hâte d’avoir à traiter avec le nouveau fournisseur de services quand une réparation sera nécessaire. Peut-être même que je devrai trouver un technicien en électronique ou encore un réparateur de cart de golf, en prévision d’un problème de circuit ou de contact électrique… »

Déjà, admet-il, la pompe à lave-vitre de sa Zenn n’est plus fonctionnelle, l’humidité a rendu l’habitacle nauséabond et par temps froid, la marche arrière refuse de s’engager.

Malgré ces « broutilles », l’homme d’affaires de Québec n’a pas hésité à… se commander une deuxième Zenn. « Parce qu’en un an, dit-il, notre première Zenn nous aura coûté 300$ d’énergie et une bagatelle d’entretien – seulement 15$ d’entretien pour poser les pneus d’hiver! »

Et de se réjouir : « Au contraire de ce qui s’est passé avec la EV1 électrique de GM, moi au moins, je peux la garder, ma Zenn! »


L’usine de Saint-Jérôme, où l’on pouvait assembler jusqu’à cinq Zenn par jour, cessera toute production en avril prochain. Mais:Made in Québec, la ZENN? Pas vraiment: la voiture électrique n’est assemblée qu’en partie à l’usine de Saint-Jérôme, où on y installe son moteur, ses six batteries et tout le filage nécessaire. Le châssis, la carrosserie et l’habitacle sont l’œuvre de l’entreprise française Microcar. De l’autre côté de l’Atlantique, la Microcar est propulsée par un moteur diesel et ne requiert aucun permis de conduire.


Au volant de la ZENN, les bons points:

  • Joliment dessinée
  • Héberge deux passagers et son lot de cargo – un sac d’équipement de hockey y tient
  • Sièges confortables, malgré des ajustements limités
  • Position de conduite élevée, bonne vision aux quatre coins
  • Ergonomie intérieure
  • Habitacle spacieux en dépit des petites dimensions extérieures (la ZENN est un brin plus longue que la Smart Fortwo)
  • Motorisation silencieuse – à peine un sifflement
  • N’émet aucun polluant (d’ailleurs, la ZENN n’a pas de pot d’échappement)
  • N’exige aucune vidange d’huile, aucun d’entretien
  • N’est pas tributaire du prix de l’essence
  • Se recharge à même la prise électrique résidentielle – pour deux ou trois sous le kilomètre
  • Équipement de série étonnement complet pour un véhicule à basse vitesse : vitres électriques, essuie-glace arrière, déverrouillage des portières à distance
  • Options : grand toit ouvrant, climatiseur

Au volant de la ZENN, les moins bons points:

  • Plastiques de revêtement bon marché – la boîte à gants n’endure aucune brutalité...
  • Vitesse limitée à 40km/h – que l’on atteint en six secondes
  • Bruits de caisse, insonorisation très moyenne
  • Suspension peu sophistiquée, amortisseurs qui cognent au moindre cahot
  • Pas de direction assistée – il faut recourir à son « huile de bras »
  • Freinage mal dosé
  • Autonomie d’à peine 60 kilomètres
  • Huit heures de recharge pour renflouer les batteries
  • Après 600 recharges (plus ou moins deux ans), les batteries doivent être remplacées. Coût : 1200$ à 1400$
  • Un an de garantie, seulement
  • Le constructeur cessera toute production de la Zenn en avril 2010

 

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