Illégal et dangereux, l’hyper-kilométrage

Dossiers
vendredi, 15 juillet 2011
Vous avez décidé de réduire votre consommation en carburant, tant pour soulager votre portefeuille que pour le bien-être planétaire? Si quelques trucs d’hyper-kilométrage peuvent vous aider, la plupart sont illégaux, voire dangereux. C’est bien beau, une consommation record de deux ou trois litres aux 100km, mais encore faut-il être en vie pour en témoigner.

Le terme hyper-mileage a officiellement vu le jour après les événements du 11 septembre, lorsqu’un résident de Chicago, Wayne Gerdes, en a eu assez de la dépendance américaine au pétrole. Il a donc réuni une série de mesures afin que la consommation des voitures conventionnelles puisse être aussi frugale que celles des voitures hybrides.

Le hic, c’est que les conducteurs qui adoptent ces mesures s’ambitionnent tellement afin de sauver quelques dollars à la pompe qu’ils vont à l’encontre de la sécurité routière, tant la leur que celle des autres.

Si nous discourons donc ici d’hyper-kilométrage, ce n’est pas pour vous inciter à en faire la pratique. Au contraire : il y a trois ans déjà, l’Association américaine des automobilistes (AAA) a émis une mise en garde à cet effet. Et le CAA-Québec abonde dans le même sens : « Pour des raisons de sécurité, nous ne sommes pas ‘pro’ hyper-kilométrage, » dit Yvon Lapointe, directeur du Service de l’éducation routière.

Autrement dit : n’essayez pas ce qui suit. Vous risquez soit la contravention, soit l’accident – peut-être même les deux.
 
Le ‘ridge-riding’: sur la ligne

La technique du « ridge-riding » consiste à faire rouler les deux roues de droite de son véhicule sur la ligne blanche. But visé : qu’au moins deux des quatre pneus rencontrent moins de friction parce qu’ils circulent sur de la peinture lisse plutôt que sur du bitume rêche.

Le problème : conserver ses pneus sur une mince bande de couleur demande de la concentration, en plus de nuire à la circulation en général. Et la situation pourrait virer au drame si une voiture en panne se trouvait malencontreusement dans l’accotement.

Par contre, le fait de rouler en décalage par rapport au centre de la voie peut être profitable par temps de pluie : en roulant hors des sillons où l’eau s’accumule, les pneus évitent les risques d’aquaplanage. Cette perte de contrôle est non seulement périlleuse, elle influence négativement la consommation en carburant puisque le moteur révolutionne… pour aller nulle part – sauf peut-être dans le champ.

Le ‘drafting’: illégal au Québec

Le « drafting » s’inspire de la course automobile et permet à un véhicule de profiter de l’aspiration de celui qui précède. Les mordus de l’hyper-kilométrage talonnent donc le pare-choc arrière des poids lourds parce que qui dit gros véhicule, dit plus grande zone dans laquelle la résistance à l’air est presque nulle.

Le problème : pour ‘drafter’ avec efficacité, il faut suivre de près, de très près. Dès lors, l’automobiliste quitte la conduite préventive (rappelez-vous : au minimum deux secondes d’intervalle avec le véhicule devant…) pour adopter une conduite défensive où il ne peut malheureusement anticiper la circulation.

Yvon Lapointe, de CAA-Québec, rappelle qu’en situation d’urgence, le poids lourds délesté de tout chargement freinera beaucoup plus rapidement que n’importe quel véhicule de tourisme. Scénario catastrophe, donc, pour celui qui suit de trop près : il emboutira l’arrière du mastodonte sans même avoir eu le temps de crier « boum ». Encore moins « hyper-kilométrage »…

Un rappel : l’action de suivre de trop près est interdite par l’article 335 du Code de la sécurité routière au Québec. Amende : 100$, plus deux points d’inaptitude.

Sans les freins : témérité idiote

Les « hyper-kilométriques » les plus zélés ne touchent jamais à leurs freins. Ils se disent que toute réduction de vitesse est généralement suivie d’une accélération et rien n’est plus criminel pour la consommation en carburant que les accélérations.

Le bon côté de la chose, c’est que celui qui veut conserver une vitesse stable s’accorde une marge de manœuvre suffisante avec la circulation qui précède pour ne pas devoir s’immobiliser. Voilà qui se ressent positivement sur l’économie en carburant, mais aussi sur la non-usure des freins.

Le problème : ne pas s’arrêter aux feux et aux intersections est non seulement illégal, c’est d’une idiote témérité. S’il est encore en vie pour rapporter ses ‘exploits’, celui qui s’adonne à une telle pratique risque de payer de multiples fois son économie d’essence… en réparations de carrosserie ou primes d’assurance plus élevées.

Sans compter la culpabilité d’avoir possiblement blessé ou tué autrui.

Le ‘coasting’ : légende urbaine

Il y en a qui croient qu’en descente, le ‘coasting’, c’est-à-dire éteindre le moteur ou rouler au neutre (souvent au détriment des limites de vitesse…), leur fait économiser du carburant.

Erreur. CAA-Québec en a fait la preuve avec un appareil ‘scan-gadge’ branché à un véhicule-test : en descente, si on relâche simplement l’accélérateur, c’est zéro consommation tant pour les véhicules à transmission automatique que manuelle. « Les moteurs d’aujourd’hui sont conçus pour ne pas consommer une goutte de carburant en compression, » assure M. Lapointe.

Il n’est donc pas nécessaire de mettre sa transmission au neutre ni d’éteindre le moteur, deux techniques fortement déconseillées par les spécialistes de la sécurité routière. D’ailleurs, certains états américains interdisent la chose.

Ce n’est pas (encore) le cas au Québec, mais Gino Desrosiers, porte-parole de la Société de l’assurance automobile du Québec, rappelle quand même: «Au neutre, on ne peut plus compter sur la compression du moteur pour ralentir son véhicule, ce qui augmente les distances de freinage avant de pouvoir s’arrêter ou d’éviter un obstacle.»

Yvon Lapointe, de CAA-Québec, renchérit: «Le conducteur qui éteint son moteur perd littéralement le contrôle de son véhicule – notamment de l’assistance des freins et de la direction.»

Sécurité d’abord, économie ensuite

La règle d’or en conduite automobile? La sécurité d’abord, l’économie ensuite.

Au lieu de s’adonner aux techniques illégales, voire dangereuses de l’hyper-kilométrage, l’automobiliste qui souhaite intelligemment réduire sa facture d’essence devrait plutôt pratiquer quelques bons vieux trucs d’éco-conduite : le bon entretien mécanique de son véhicule, le maintien des pneus à la pression recommandée, une meilleure planification de ses déplacements, l’usage avec parcimonie du climatiseur et l’évitement, en autant que possible, des bouchons de circulation.

Car il n’y a rien de pire qu’un moteur qui tourne… dans une voiture qui ne va nulle part.

Idéalement, cet automobiliste devrait déjà conduire un véhicule frugal en carburant. Ce véhicule, il le débarrasse des rails de toit qui en entravent l’aérodynamisme et il en retire tout ce qui en fait inutilement augmenter le poids. Les plus assidus iront jusqu’à retirer la banquette arrière si personne n’y prend jamais place; c’est fou ce que ça pèse, une banquette.

Les cotes de consommation calculées par l’Energuide le prouvent bien, la conduite sur autoroute est toujours celle qui exige le moins de carburant. Mais si la circulation est très fluide, la conduite urbaine peut accorder davantage d’occasions de réduire sa consommation – à condition de rouler à basse vitesse et d’anticiper suffisamment pour limiter au maximum freinages et accélérations.

Aussi, l’automobiliste dont le véhicule est muni d’un ordinateur de bord assez complet devrait laisser la page d’information affichée à la consommation instantanée. Il saura ainsi en temps réel si sa conduite est éco-énergétique ou s’il vaut mieux lever le pied.

Enfin, les transports en commun ne sont peut-être pas toujours une option. Mais pourquoi ne pas planifier un trajet qui implique un bout de chemin… à vélo, qu’on aura pris soin de glisser dans le coffre de son véhicule? Voilà qui fait une pierre deux coups : on économise l’essence et on se paie quelques kilomètres d’exercice.

Après tout, le meilleur « hyper-kilométrique » qui soit est celui qui ne brûle aucun carburant fossile, n’est-ce pas?

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.