Gastronomie automobile

Dossiers
mardi, 4 septembre 2012
En cette période de rentrée scolaire, vous vous remettez à concocter des lunchs (santé, on l’espère!). Mais, dites-vous, quel rapport avec l’automobile? C’est qu’il y a de plus en plus de bouffe dans nos véhicules.

Pas de farce : certains des aliments que vous utilisez en cuisine… se retrouvent également dans nos « chars ». Une lubie des constructeurs? Que non : cette gastronomie automobile est on ne peut plus sérieuse.

Adieu le traditionnel « métal, plastique, verre » qui composent nos automobiles depuis plus d’un siècle, bonjour le soya dans les sièges (chez Ford), le bambou dans les haut-parleurs (chez Lexus), la paille de blé injectée dans les compartiments de rangements (encore chez Ford).

En effet, ces « bio-matériaux » veulent remplacer les plastiques à base de pétrole - la tendance est au renouvelable et au biodégradable.

Une poussée d’éco-conscience de la part des constructeurs? Ça va plus loin encore. Il faut savoir que ces matériaux réussissent à être plus durables et plus résistants que ceux conventionnels. Aussi, ils sont plus légers – un net avantage dans la guerre contre le poids et, par conséquent, contre la consommation en carburant.

Surtout, ces fibres organiques utilisent des ressources renouvelables et leur fabrication exige généralement moins d’énergie (jusqu’à 30%), ce qui diminue les coûts de production. Et elles sont hautement recyclables – un aspect à considérer par les acheteurs soucieux de réduire leur empreinte écologique.

Ford : du soya sous les fesses…

Ford est l’un des premiers à avoir discouru « habitacle vert » avec l’utilisation de graines de soya dans le rembourrage de ses sièges.

Aujourd’hui, quelque sept millions de ses véhicules sont pourvus de ces bio-sièges – tous ceux qui sont fabriqués en Amérique du Nord, de fait. Cette mousse de soya est aussi utilisée dans les appuie-tête et, pour le nouvel Escape, au plafond. En moyenne, quelque 31 252 graines de soya se retrouvent dans un véhicule Ford.

En faisant appel au soya, Ford dit pouvoir réduire annuellement de 2,3 millions de kilos sa consommation manufacturière de produits pétroliers – et réduire de neuf millions de kilos ses émissions de CO2.

Le constructeur utilise également un bio-polypropylène injecté de… la paille de blé canadienne pour les vide-poches arrière de son Ford Flex. Un bel avenir pour ce rebut de culture canadienne…

« Cette utilisation peut sembler restreinte, mais elle ouvre la porte à beaucoup d’autres applications, » dit Ellen Lee, l’expert technique en recherche sur les plastiques pour Ford. L’expérience a été rendue possible grâce au gouvernement de l’Ontario – rappelons que le Flex est assemblé à Oakville.

Consoles centrales, panneaux intérieurs de portières, dessous de capots… Qui sait à quel menu sera conjuguée la paille de blé canadienne dans les prochains véhicules Ford?

Entendez-vous ce bambou qui résonne?

Si l’on vous dit « hybrides », à quel constructeur pensez-vous de prime abord? Toyota, bien sûr.

Et avec raison : le constructeur nippon est celui qui offre la plus vaste gamme de véhicules à propulsion essence-électricité de toute l’industrie.

Maintenant, si l’on vous dit « bambou », pensez-vous à un quelconque constructeur?

Sûrement pas.

Et pourtant : Toyota a commencé à utiliser cet élément de la nature qui pousse comme du chiendent dans la fabrication de ses haut-parleurs d’hybrides Lexus.
L’oreille fine devrait pouvoir reconnaître une amélioration de 10% de la vitesse sonique et une tonalité plus… naturelle.

Soulignons que Toyota a pour objectif que l’habitacle de tous ses véhicules, qu’ils soient hybrides ou pas, intègrent au moins 20% de plastiques écologiques (ou faits de matières recyclables) d’ici 2015.

Cartons recyclés et vieux jeans au plafond

Chez GM, on ne craint pas de recourir à de vieux cartons d’emballage recyclés comme éléments acoustiques au plafond de ses luxueuses Buick.

Le constructeur américain fait également appel à de vieux jeans et à de vieux tapis déchiquetés comme matériel insonorisant, une pratique qui commence à se répandre chez les autres constructeurs.

Alcool au volant – l’exception…

Mazda a ses quartiers généraux à Hiroshima, au Japon, une région riche en brassage traditionnel de saké.

Il n’en fallait pas plus pour que cette expertise en fermentation, Mazda l’applique dans la conception de bio-plastiques à base d’amidon de maïs, destinés à ses panneaux d’instrumentation et à ses revêtements de portières.

Mazda a aussi développé un bio-tissu fabriqué de résidus de canne à sucre, bio-tissu qui pourrait un jour recouvrir nos sièges automobiles.

La voiture mangeable?

Est-ce que la table serait mise pour la voiture… mangeable?

Que non. Car avant de les intégrer plus avant dans les habitacles et, éventuellement, dans les carrosseries et les châssis, les constructeurs doivent s’assurer que ces bio-matières respectent, voire dépassent les normes de résistance, d’expansion thermique et de dégradation imposées par l’industrie.

On ne voudrait pas que ces plastiques « à la carte » débutent leur processus de décomposition… avant la fin de vie utile du véhicule, n’est-ce pas?

Le secret de la recette? Que ces éco-matériaux soient acceptés par les consommateurs. Et pour ce, ils doivent se faire les plus imperceptibles possible.
 
Car… qui veut que son habitacle automobile laisse passer des effluves de blé canadien, de soya ou de sushi?

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