GM techno : "On veut être Google"!

Dossiers
mercredi, 20 juillet 2011
Depuis cinq ans, les quelque dix employés du Centre de technologies avancées de GM (C.T.A.), situé dans la Silicon Valley, prennent le café avec Apple, mangent un muffin avec Hewlet-Packard, dégustent un yogourt glacé avec Google. Et personne ne leur tape sur les doigts.

C’est que pour le constructeur américain, le centre californien de Palo Alto constitue rien de moins que ses yeux et ses oreilles, à l’affut de tout ce qu’il se passe dans la Silicon Valley.

Et c’est pourquoi il encourage ses docteurs en science et ses MBA en affaires à frayer avec l’une ou l’autre des 2000 compagnies ‘techno’ qui bouillonnent dans le secteur.

L’objectif visé est simple : faire le pont entre les différentes découvertes de l’heure et le monde automobile.

Et rapidement, s’il vous plaît.

Déjà, le C.T.A. a permis la création l’an dernier de l’Autonet Mobile WiFi Hotspot, un dispositif qui permet aux occupants des véhicules en mouvement de se connecter à Internet à peu près n’importe où. Pas au Canada, cependant : une histoire de fournisseurs nous prive toujours du service, soutient un porte-parole de GM Canada.

Également, si on a utilisé un innovateur insonorisant LASD (Liquid applied sound deadening) pour la nouvelle Buick LaCrosse, c’est grâce à la « think tank » de Palo Alto, qui a pensé ce matériel à la fois performant et léger – doit-on rappeler que moins de poids signifie, pour une voiture, moins de carburant consommé.

Top secret, mais…

D’autres technologies devraient bientôt se poindre sous la houlette du C.T.A. dont les grandes portes vitrées le fait ressembler à s’y méprendre à un concessionnaire automobile et qui se trouve à deux pas du célèbre Fry’s (le Toys R Us des adultes amateurs de gadgets électroniques).

Lesquelles, technologies? Top secret. Ben voyons, pensiez-vous vraiment que Byron Shaw, qui dirige la 10aine de chercheurs du C.T.A., allait confier aux médias quoi que ce soit? Tst-tst-tst : tout va trop vite dans ce milieu et la plus petite avancée d’hier risque d’être obsolète demain.

Donc, top secret.

Tout au plus Byron Shaw se contente de dire que son équipe travaille activement, entre autres, à ce que les automobilistes de demain parviennent à faire, avec leurs véhicules, ce qu’ils peuvent déjà faire avec leurs téléphones intelligents.

En conduisant.

Et en toute sécurité.

Une tâche pas facile, avouez. D’ailleurs, demandez-le à Ford qui, avec son partenaire Nuance, vient d’annoncer de nouvelles tentatives afin de rendre les commandes vocales de son Sync plus intuitives.

D’un clin d’œil

Commandes vocales… écrans tactiles... Demain, ce sera le mode haptique (qui crée une résistance virtuelle, comme c’est déjà le cas chez Lexus), question de faciliter la recherche par menus. Ou encore, ce sera les écrans configurables.

Byron Shaw laisse même échapper qu’après-demain, ça pourrait être le clin d’œil qui fasse ‘la job’. Imaginez : un menu se déroule et c’est d’un clignement de la paupière que l’on pourra choisir entre « Restos Italiens » ou « Restos Thaï ».

Un autre clin d’œil et la recherche complétée se transformera en directions routières, voire en une réservation téléphonique.

Et il y aura moyen de rendre tout ça rentable, soutient le directeur du C.T.A.. Pensez-y un peu : quelle est la probabilité qu’un automobiliste qui recherche un hôtel procède effectivement à une réservation?

Assurément beaucoup plus grande que celle d’un simple Internaute attablé à un café et qui ‘surfe’ peut-être juste pour le plaisir ou pour le rêve. Car l’automobiliste, lui, a de sérieuses chances d’être réellement à la recherche d’un endroit où dormir. Surtout si son véhicule montre à l’ordinateur de bord qu’il roule depuis des heures, que l’horloge indique une nuit sur le point de tomber et que le réservoir d’essence s’affiche presque vide.

« Voilà pourquoi les grandes chaînes hôtelières ont tout intérêt à devenir des partenaires publicitaires, dit Byron Shaw. C’est pratique pour les conducteurs, mais c’est aussi avantageux pour nous, comme compagnie. Après tout, nous voulons faire de l’argent. Même que nous voulons être Google! »

Google : rien de moins.

Les commandes audio ne passeraient pas le test

Premier grand défi de tels systèmes de communication : convenir à toutes les bourses. « C’est facile de concevoir une technologie pour une voiture de luxe qui coûte, à l’achat, des dizaines de milliers de dollars, dit Byron Shaw (qui, soulignons-le, a travaillé pour BMW à Silicon Valley pendant six ans). Mais c’est tout un challenge que de concevoir un tel dispositif pour des voitures économiques. »

Comme Ford l’a fait avec son Sync? « Il nous faire encore mieux, dit Byron Shaw. Le Sync est une option qui demande 400$ (NDLR : 500$ au Canada); mon rêve, c’est d’en arriver à quelque chose qui ne coûte qu’une centaine de dollars. »

Surtout, et le plus important : rendre le tout suffisamment ‘user friendly’ pour que le conducteur ne soit pas distrait de sa tâche principale : conduire. « Vous savez, dit encore Byron Shaw, ces boutons de radio qu’on tourne… Eh bien aujourd’hui, selon nos protocoles de sécurité, ils ne passeraient même pas le test. »

Directement sur son Facebook

Bien sûr, la Silicon Valley étant ce qu’elle est, toutes sortes d’idées folles y sont lancées. Le C.T.A. ne fait pas exception. Pourquoi, se demande-t-il, ne pas profiter de la présence des caméras d’assistance au stationnement pour… pouvoir photographier les environs et les partager presque instantanément avec son profil Facebook?

Assurément plus utile : un dispositif qui prenne le relais des textos de façon sécuritaire et… le plus facilement du monde. Voilà qui résoudrait un grave problème…

Parce qu’on n’arrête pas le progrès. Et certes, le Secrétaire américain aux Transports Ray LeHood (un nom prédestiné…?) fait tout en son (grand) pouvoir pour freiner le phénomène. Celui qui chapeaute l’américaine NHTSA promet d’ailleurs la présentation, d’ici la fin de l’année, d’une série de mesures destinées à contrôler les systèmes automobiles comme les Sync, IntelliLink et OnStar.

Reste qu’on n’y échappe pas : les gens veulent rester en contact avec leur monde, même derrière le volant. Il suffit de jeter un œil dans les habitacles automobiles autour de soi pour voir quelqu’un le cellulaire à l’oreille… ou la main sur le clavier du texto.

Après les essuie-glace…

Tous des délinquants irresponsables, les automobilistes? Sans vouloir les défendre, Byron Shaw les comprend : « Les gens sont connectés au bureau, ils le sont à la maison, ils le sont dans la rue, ils le sont au Starbuck… Mais lorsqu’ils embarquent dans leur véhicule, c’est le trou noir, le néant, la préhistoire de la communication. »

C’est pour cette raison que les chercheurs du C.T.A. montent régulièrement à bord de ‘leur’ prototype de Buick Enclave, spécialement réaménagé afin de leur permettre de tester logiciels et gadgets du futur. Car : « C’est une chose de développer et d’essayer en laboratoire, ça en est une autre que d’opérer le même système dans un véhicule en marche, » dit Byron Shaw.

Toujours, l’objectif est de concilier ce qu’on fait sans relativement trop de distraction (!) depuis 100 ans – conduire les mains sur le volant et les yeux sur la route– avec cette immuable avancée des technologies de connectivité.

L’humain devrait pouvoir rapidement relever le défi. Après tout, les premiers essuie-glace et les premiers systèmes radio, à l’aube de la révolution automobile, ont fait s’écrier les autorités et la populace à la plus haute distraction au volant qui soit.

Comme quoi plus ça change et plus c’est pareil.

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.