Étude «poussière à poussière»: les plus gourmands ne sont pas ceux que l’on pense!

Dossiers
dimanche, 1 avril 2007
Votre entrée de garage accueille fièrement une Toyota Camry Hybride, alors que celle du voisin héberge… un gros Ford Explorer. Non seulement vous vous sentez joyeusement « vert », mais vous vous mettez à snober le choix automobile de la porte d’à côté. Attention, cependant : votre véhicule hybride pourrait bien être, de tout le quartier, le plus gourmand en énergie…

C’est du moins ce que soutient l’enquête « Poussière à Poussière : rapport énergétique automobile », menée depuis deux ans par CWN Research. (Dust to Dust: The Energy Cost of New Vehicles From Concept to Disposal)

Cette firme américaine a voulu étudier ce qu’il en coûtait vraiment, en énergies de toutes sortes, pour concevoir, produire, vendre, rouler et disposer d’un véhicule.

Autrement dit, au-delà de la consommation en carburant, quel est le prix « énergétique » d’une voiture dans son ensemble, de la planche à dessin au cimetière automobile?

Les chercheurs de CNW Research se sont penchés sur plus de 300 véhicules, tous distribués en sol américain. Ils ont utilisé près de 4000 variables afin d’en quantifier les différentes étapes, de poussière à poussière.

L’exercice est colossal. Et tout y passe : la recherche et le développement; l’énergie utilisée en usine; les moyens de transport des employés pour s’y rendre; la livraison du produit jusqu’en concessionnaire; sa vente; la conduite, l’entretien, les réparations; enfin, l’acte de réduire en un tas de ferraille ce qui a été, un jour, un véhicule flambant neuf.

Tous ces facteurs composent un beau puzzle énergétique. Par exemple, prenez la Honda Accord: celle fabriquée aux États-Unis l’est dans une usine où la plupart des employés se rendent au travail dans leur véhicule personnel. Coût de l’énergie ainsi impliquée : 1,92$ par jour, par travailleur et par voiture.

Par contre, les employés qui assemblent le même modèle, mais à l’usine japonaise, empruntent presque tous le transport en commun. Le coût énergétique chute alors drastiquement : moins de 0,18$ par jour.

Surpris? Il y a de quoi l’être encore plus à la lumière de la plus grande constatation de ce rapport: au-delà de leur petite consommation en carburant, les véhicules hybrides ne sont malheureusement pas si éco-énergétiques qu’on voudrait bien le croire…

Les hybrides : jusqu’à dix fois plus d’énergie

Lorsque vous faites l’acquisition d’une voiture, vous étudiez son prix et sa consommation d’essence, vous notez ses équipements, vous la comparez avec des véhicules concurrents.

Mais vous penchez-vous sur son lieu de fabrication? Sa teneur en matériaux recyclables et recyclés? Ce qu’elle a coûté en développement et en production? Pourtant, ce sont là des aspects qui pèsent lourd dans la balance environnementale.

Certes, toutes les étapes d’une vie automobile requièrent de l’énergie. Mais faire le plein de carburant n’est qu’une infime partie de l’équation. Tout au contraire, les premiers pas d’un véhicule, ceux-là même qu’on ne voit jamais, sont parmi les plus coûteux de tout le cycle automobile.

« Concevoir et fabriquer un nouveau véhicule sont des étapes qui réclament beaucoup d’énergie, lit-on dans le rapport de CNW Research. Elles nécessitent des années et des années d’ingénierie, de design, de développement de pièces, d’évaluation, de validation, d’analyses des coûts et d’intégration. Il n’est pas inhabituel qu’un nouveau véhicule exige plus d’un milliard et demi de dollars d’investissement avant de passer de prototype à modèle de production. »

Logiquement, avec leur technologie avancée, les véhicules hybrides réclament encore plus d’énergie, sur le plan développement. Et parce qu’ils sont tout nouveaux sur le marché (qu’est-ce que huit ans, dans une industrie qui a plus de cent ans?), ils n’ont pu encore absorber les coûts élevés de recherche qui sont les leurs.

Résultat : selon CNW Research, chaque Toyota Prius vendue implique des coûts énergétiques de développement de 29 000$ – dix fois plus que pour la Toyota Corolla (2600$), qui roule depuis quatre décennies maintenant.

Ce n’est pas tout : qui dit technologie hybride, dit deuxième moteur, piles high-tech, complexité des composantes supplémentaires, matériaux plus légers. Voilà autant d’éléments qui font grimper la facture, tout comme il est plus dispendieux, soutient CNW Research, de recycler un véhicule hybride : 140 000$, contre 119 000$ pour une voiture conventionnelle.

Maybach d’un côté… Jeep de l’autre!

Que de chiffres, direz-vous. Peut-être, et c’est pourquoi CNW Research a voulu simplifier la chose. La mesure qui a été choisie pour illustrer les coûts énergétiques « de poussière à poussière » est celle du dollar par mille parcouru.

À titre de référence, la moyenne des véhicules 2006 analysés sous toutes les coutures s’établit à 2,95$ par mille.

Le véhicule le plus coûteux? La Maybach de Mercedes, avec 15,84$ par mille.

Suivent les Rolls-Royce (10,98$ par mille) et Bentley (10,63$ par mille).

À l’autre bout du spectre, c’est la Scion xB qui réclame le moins d’énergie, avec 0,49$ par mille.

Ce cube sur quatre roues n’est cependant pas distribué au Canada. Quel est donc, alors, le véhicule le moins coûteux, énergétiquement parlant, vendu au Canada? Le… Jeep Wrangler.

Surpris? Pourtant, avec ses 65 ans d’histoire, l’utilitaire au design simple et fonctionnel a absorbé depuis longtemps ses coûts en développement. « Qui plus est, souligne Art Spinella, président de CNW Research, le Wrangler est l’un des modèles dont les pièces et composantes profitent du plus haut taux de recyclage. »

Les hybrides : énergétiquement gourmands

Et les véhicules hybrides, dans tout ça? Ils en prennent pour leur rhume. En 2006, pas un n’a fait mieux que la moyenne de l’industrie, mise à part la Toyota Prius. Même que sur les 322 véhicules étudiés, les hybrides figurent parmi les 60 véhicules les plus « énergétiquement » gourmands.

Ainsi, le Lexus RX400H enregistre un coût énergétique presque deux fois plus élevé que la moyenne (avec 4,55$ le mille).

Par ailleurs, la Toyota Camry Hybride (3,62$ par mille) et la Honda Civic Hybride (3,40$ par mille) réclament moitié plus d’énergie que leurs contreparties conventionnelles (2,36$ par mille). L’écart est encore plus marqué pour le Ford Escape Hybride, avec 3,54$ par mille contre 1,88$ pour l’Escape dit régulier.

À l’opposé, plusieurs utilitaires que l’on accuse pourtant d’être de grands consommateurs en carburant reflètent un coût énergétique moindre que la moyenne.

Ainsi, le Ford Explorer est parmi le plus « éco-énergétique » de tous les camions actuellement offerts sur le marché, avec 1,61$ par mille. La camionnette Ford Ranger fait encore mieux avec 0,96$ par mille.

Le Hummer, symbole de tout ce qui ne tourne pas rond en Amérique du Nord? Le « bébé » H3 enregistre un coût énergétique de 2,07$. C’est non seulement sous la moyenne de l’industrie, c’est aussi, de « poussière à poussière » et tous aspects énergétiques confondus, moins que l’ensemble des véhicules hybrides actuellement vendus du marché.

Choquant, n’est-ce pas?
 
Le monde à l’envers

Concernés par une consommation en carburant débridée et le réchauffement planétaire, les automobilistes sont de plus en plus nombreux à fonder leurs décisions automobiles sur l’économie d’essence et la réduction des émissions polluantes.

Les gouvernements s’en mêlent, avec des subventions aux hybrides, des éco-rabais et autres mesures incitatives du genre.

Est-ce prudent?

Non, croit Art Spinella. Certes, à Los Angeles, où le smog est roi et maître, mieux vaut rouler en hybride qu’en gros utilitaire. « Mais, précise le président de CNW Research, le fait de baser sa décision uniquement sur l’économie en carburant ne concorde pas nécessairement avec l’enjeu du coût énergétique total d’une automobile. Les consommateurs doivent savoir que si Los Angeles profite du choix hybride, la demande énergétique du véhicule et la pollution propre à sa production seront exportées ailleurs. »

Voilà qui porte à réfléchir…


Les 10 véhicules au meilleur coût énergétique (distribués sur le marché canadien) - 2006

1.    Jeep Wrangler (0,71$ par mille parcouru)
2.    Toyota Corolla (0,72$)
3.    Chevrolet Aveo (0,74$)
4.    Hyundai Elantra (0,75$)
5.    Toyota Echo (0,78$)
6.    Ford Focus (0,79$)
7.    Kia Spectra (0,83$)
8.    Hyundai Accent (0,83$)
9.    Nissan Sentra (0,91$)
10.    Honda Fit (0,91$)


Les 10 véhicules au pire coût énergétique (et distribués sur le marché canadien) - 2006

1.    Maybach de Mercedes-Benz (15,84$ par mile parcouru)
2.    Rolls-Royce (10,98$)
3.    Bentley (10,63$)
4.    Audi A6 (5,12$)
5.    Audi A8 (5,04$)
6.    Volkswagen Touareg (4,80$)
7.    Lexus LS430 (4,78$)
8.    Porsche Carrera GT (4,73$)
9.    Mercedes Classe GL (4,65$)
10.    Mercedes Classe G (4,58$)


Coût énergétique des hybrides versus leur contrepartie conventionnelle - 2006
(sur l’ensemble de leur cycle de vie)

                Hybride                           Non hybride
1.    Lexus RX400H (4,55$)            Lexus RX350 (3,50$)
2.    Lexus GS 450H (4,42$)          Lexus GS 350 (4,25$)
3.    Toyota Highlander (3,66$)       Toyota Highlander (2,53$)
4.    Toyota Camry (3,62$)             Toyota Camry (2,36$)
5.    Ford Escape (3,54$)               Ford Escape (1,88$)
6.    Honda Civic (3,42$)                Honda Civic (2,36$)
7.    Toyota Prius (2,86$)               Toyota Corolla (0,72$)


 

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