Démystifier les rabais pour les voitures vertes

Dossiers
mardi, 8 mai 2012
Ce qu'on gagne d'une main, on le perd de l'autre. Avec son Plan d'action sur les véhicules électriques entré en vigueur en 2012, Québec en donne plus aux acheteurs de Chevrolet Volt et de Nissan Leaf, mais... moins aux acheteurs d'hybrides. Pleins feux sur les bonnes - et mauvaises nouvelles.

Ce qui, depuis 2009, était un crédit d'impôt provincial est désormais, depuis le 1er janvier 2012, un rabais applicable chez le concessionnaire. Ça, c'est la bonne nouvelle.

Car il n'est plus question d'attendre au prochain rapport d'impôt pour profiter du cadeau provincial; celui-ci est maintenant remis directement à l'achat (ou à la location à long terme) d'un véhicule dit "éco-énergétique".

La mauvaise nouvelle: si le crédit provincial des trois dernières années s'appliquait à toute voiture, électrique ou pas, qui consommait (en combiné) moins de 5,27L/100km (4,54L/100km pour le diesel), ce rabais ne s'applique désormais qu'aux voitures qui ont une composante de motorisation électrique.

C'est n'englober que les hybrides, les voitures rechargeables ou les 100% électriques.

Pas toutes les hybrides

Bon, entre vous et moi pis la boîte à beurre, on ne perd pas là grand-chose. Jusqu'à l'automne dernier, aucun autre véhicule que les hybrides n'arrivait à consommer moins que cette cote. Même la Smart fortwo, avec son 5,31L/100km, n'y avait pas droit.

Depuis, cependant, la petite Scion IQ a débarqué, s'affichant sous la limite avec son petit combiné de 5,15L/100km. Si elle aurait eu droit au crédit l'an dernier, le nouveau Plan d'action ne lui donne pas droit au rabais puisqu'elle n'est pas "électrique".

Il faut aussi savoir que toutes les hybrides ne sont pas admissibles au rabais. À juste titre, le gouvernement ne reconnaît que les hybrides qui consomment, en combiné, moins que 5,27L/100km (l'équivalent de 45mpg). C'est dire qu'une une dizaine d'hybrides seulement ont droit au rabais.

Voyez notre tableau ci-joint, vous constaterez que pour 2012, si la famille de Toyota Prius, la Toyota Camry Hybride, la Honda Civic, la Honda Insight et la Ford Fusion figurent à la liste, aucun des modèles hybrides de Lexus n'y est inscrit, sauf la petite CT200h.

De même, la Hyundai Sonata Hybride s'y trouve, mais, pour une question de décimales, pas sa jumelle Kia Optima Hybride. Et la Honda CR-Z (probablement l'hybride la plus intéressante, actuellement, à conduire du marché) n'y figure pas non plus.

Un autre point négatif: ces rabais pour les hybrides sont dégressifs (comme on l'avait prévu avec les crédits d'impôt). Autrement dit: plus le temps avance, moins il y aura d'argent.

C'était 2000$ de crédit en 2009-2010, c'était 1500$ de crédit l'an dernier, ce n'est plus que 1000$ de rabais cette année et ça sera 500$ de rabais l'an prochain.

Plus pour la Volt

On est dû pour de bonnes nouvelles? En voici une: les rabais sont plus généreux pour certaines voitures électriques. Ainsi, alors que la Chevrolet Volt n'aurait eu droit qu'à un crédit de 3000$ l'an dernier, voilà qu'elle a maintenant droit à un rabais de 7769$.

Aussi, Québec module désormais sa générosité selon la capacité des batteries. Le rabais "électrique" débute donc à 5000$ pour les véhicules de 4kWh d'énergie, comme pour la Toyota Prius rechargeable (qui compte également sur un moteur à combustion). La Nissan Leaf, 100% électrique, a droit au rabais maximum (8000$), parce que la capacité de sa batterie dépasse les 17kWh.

Et c'est très logique: plus une batterie est de forte capacité, plus le véhicule qu'elle propulse coûte cher. Comparez la Chevrolet Volt, à partir de 41 500$, trois fois plus "autonome" sur seule puissance électrique que la Toyota Prius rechargeable, qui devrait s'échanger autour de 32 000$ à son arrivée sur le marché canadien en cours d'année.

Tout aussi logique: les véhicules électriques à basse vitesse, qui ont pu empocher jusqu'à 4000$ de crédit sous l'ancien régime, n'ont plus droit qu'à un rabais de 1000$ cette année (1000$ aussi en 2013, puis 800$ en 2014 et 600$ en 2015).

Québec se justifie en soulignant que ces véhicules ne peuvent circuler sur les routes de plus de 50km/h et que leur technologie est connue et "moins évoluée". Nous renchérirons que comme les Zenn et Nemo de ce monde... ne sont plus de ce monde, ça ne devrait pas trop faire mal à l'industrie automobile électrique québécoise.

Ce n'est pas un buffet chinois

Mais... ces rabais "verts" sont limités dans le temps. Les remises pour les hybrides se terminent en 2013 (vite!), celles "électriques" n'existeront plus passé le 31 décembre 2015. Peut-être seront-elles remplacées par d'autres mesures; après tout, l'actuel gouvernement dit vouloir que le quart des ventes automobiles en 2020 soit des véhicules électriques ou rechargeables. C'est là une cible ambitieuse, très ambitieuse et ça prendra de l'aide pour y parvenir.

Autre hic dans tout ça - et à vous de voir si ça fait partie des bonnes ou des mauvaises nouvelles: ces rabais sont plafonnés. Ils sont plafonnés en temps - jusqu'au 31 décembre 2015 - mais aussi en quantité, selon la première échéance rencontrée.

Ainsi, le rabais n'est offert qu'aux 500 premiers acquéreurs de véhicules hybrides et aux 10 000 premiers acquéreurs de voitures électriques ou rechargeables. Ça inclut les particuliers, mais aussi les organismes à but non lucratif, les municipalités, voire les entreprises.

Autrement dit, on n'a pas droit à un "all-you-can-eat". Et selon nos calculs, les sommes seront expirées après 5351 acheteurs de Leaf - ou 5510 acheteurs de Volt.

50 millions, mais...

Le gouvernement, qui veut que le Québec achète 118 000 véhicules électriques (!) en 2020, a bien annoncé un budget global de 50 millions pour les mesures en place d'ici la fin 2015.

Mais il faut savoir qu'une partie de cette somme (7,2$ millions) doit également servir aux bornes de recharge électrique. Ainsi, tous ceux qui obtiendront un rabais à l'acquisition d'un véhicule électrique auront droit à une aide financière de 50% pour l'achat et l'installation d'une borne de 240 volts à domicile. Ça sera jusqu'à concurrence de 1000$ cette année, mais encore là, ça sera régressif: de 800$ en 2014 et de 600$ en 2015.

Vous sentez l'urgence? C'est ce que souhaite le gouvernement, qui vise d'ici 2020 une réduction des gaz à effet de serre de 20% sous leur niveau de 1990. Mais ces rabais qui régressent rapidement ne tiennent pas compte du fait que des voitures électriques, le marché n'en a pas encore des masses.

Ni que l'installation d'une coûteuse borne électrique à la maison est tout un défi - d'emplacement, mais surtout de choix de produit, puisque la technologie évolue encore à vitesse grand V.

La carotte provinciale, le bâton fédéral...

Là où le provincial agite la carotte, le fédéral brandit le bâton.

Ce dernier n'a évidemment pas reconduit son éco-rabais. Lancée en 2007 et disparue deux ans plus tard, cette mesure lui avait "coûté" 191 millions de dollars...

Par contre, l'éco-prélèvement fédéral est resté, taxant de 1000$ à 4000$ tous les véhicules consommant plus de 13L/100km.

Ces trois dernières années, les consommateurs qui ont acheté de luxueuses Aston Martin, Bentley, Lamborghini, Rolls-Royce; des mastodontes Lincoln Navigator, Chevrolet Suburban ou Range Rover; ou encore des modèles de performance tels la Audi R8, la plupart des Mercedes AMG, quelques "M" de BMW ou le Jeep Grand Cherokee SRT8, ont contribué à renflouer les coffres fédéraux de 66 millions de dollars.

Remarquez, la mesure fédérale visant à décourager les automobilistes d'acheter des véhicules gourmands semble avoir porté fruit... du côté des constructeurs. La première année (2008) d'éco-prélèvement comptait 132 véhicules "pénalisés", alors que l'année 2012 n'en dénombre plus que 81.

Soit un gros tiers de moins.

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