Brenda Priddy, paparazzi automobile

Dossiers
lundi, 25 janvier 2010
Brenda Priddy: le nom vous dit quelque chose? C’est que vous l’apercevez sur les photos-espion que vous admirez dans les magazines automobiles et sur les sites en ligne. S’il est un paparazzi connu dans l’industrie du «char», c’est bien Brenda Priddy. Mais qui se cache sous ce grand nom? Surprise: un tout petit bout de femme qui, autrefois, tenait les comptes d’une entreprise d’Arizona…

Quelque part dans le désert de Mojave, dans le sud-ouest des États-Unis, un véhicule s’arrête à une station service perdue dans l’immensité désertique.

La silhouette automobile est à peine reconnaissable, parce que dissimulée sous des panneaux souples de camouflage. Le conducteur en débarque et entreprend tranquillement de faire le plein.

Au loin, une femme surgit. Elle s’approche, l’air de rien. L’automobiliste la regarde d’un œil distrait, avant de poliment la saluer. La femme lui sourit.

Et elle en a, des raisons de sourire: ni vu ni connu, elle vient de photographier la voiture qu’on tentait pourtant de soustraire aux regards indiscrets.

Seule femme au monde

Brenda Priddy est une paparazzi automobile. Elle croque sur le vif nouveaux modèles et prototypes plusieurs mois avant qu’ils ne soient officiellement présentés à la presse. Elle pratique un métier aussi rare que celui de pilote de Formule Un: internationalement parlant, à peine une douzaine de photographes se consacrent à la photo-espion automobile. De cet illustre petit groupe, elle est la seule et unique femme.

C’est tout à fait par hasard que l’Américaine, aujourd’hui âgée de 50 ans, est tombée dans la «spy-photo». Après tout, cette mère de deux enfants n’occupait-elle pas un sage et stable emploi de tenue de livres, dans une entreprise de Phoenix, en Arizona?

La nouvelle Mustang!

Celle qui pratiquait également la photographie commerciale à temps perdu se rappelle encore ce jour de 1992: «Je me baladais dans le désert lorsque j’ai soudain aperçu une voiture immobilisée à une station d’essence; des panneaux de camouflage la protégeaient du regard des curieux. À tout hasard, j’ai photographié la scène.»

De retour chez elle, elle montre le cliché à son mari, qui pousse les hauts cris: il s’agissait de la nouvelle Mustang 1994, un bolide que personne, à l’exception des gens de chez Ford, n’avait encore pu admirer. «Juste pour voir où ça mènerait, j’ai envoyé la photo à quelques publications. Surprise: ma photo a fait la première page d’Automobile Magazine

Sans s’en douter, Brenda Priddy venait d’embrasser une carrière internationale qui faisait écho à son intérêt pour l’investigation (elle a étudié la criminologie) et qui allait lui permettre de publier des centaines de photos révélant au public ce que les constructeurs automobiles auraient préféré garder secret.

Aujourd’hui, Brenda Priddy and company (sur facebook.com) embauche des photographes-espion à temps plein, en plus de compter sur plusieurs pigistes.

Incognito : l’arme secrète

Bien que sa réputation soit connue aux quatre coins du monde, très peu de gens peuvent se targuer, lorsqu’ils la rencontrent, de reconnaître Brenda Priddy.

Et ce n’est pas le fruit du hasard : la photographe-espion prend un soin jaloux de son anonymat. « Je ne veux pas qu’on m’identifie. La discrétion – et un brin de charme insoupçonné! – sont mes armes les plus secrètes. »

Avec sa taille normale (« Ni trop grande, ni trop petite »), son poids changeant (« J’ai perdu 50 livres ces dernières années ») et un visage qui ne détonne pas dans la mêlée, Brenda passe facilement incognito.

Difficile de croire que sous ce sympathique sourire, ce regard doux et ces airs bienveillants, se cache l’une des plus célèbres photographes-espion du monde.

Une photographe-espion qui a l’air encore plus inoffensif lorsqu’elle s’amène « au travail » avec l’un ou l’autre de ses enfants (Becca, aujourd’hui 27 ans et Zak, 23 ans) et son chien Hunter…

Brenda Priddy ne prend toutefois pas de risque : elle évite comme la peste de se retrouver devant les appareil et les caméras.

Dans notre galerie de photos, tout au plus la verrez-vous de dos, une casquette posée sur sa chevelure brune.

Les ingénieurs et essayeurs qu’elle a surpris au fil des années ont bien tenté de l’immortaliser sur papier glacé, dans le style des affiches « Recherché », mais en vain : « Tout ce qu’ils obtiennent, c’est une femme comme une autre, dissimulée derrière son appareil! »

Vite sur la gachette

Discrète de nature, l’Américaine se fait encore plus secrète quant aux trucs du métier qu’elle a développés au fil des ans.

Cependant, elle veut bien nous raconter en riant que contrairement à un certain collègue, elle ne traîne pas une valise bourrée de déguisements. Pas de perruques ni de fausses moustaches pour elle!

Non, Brenda Priddy manœuvre tout autrement. D’abord, elle sait qu’il est impossible de se cacher dans le désert. Voilà pourquoi elle va aux devants du véhicule camouflé qui l’intéresse et appuie rapidement sur le déclencheur de son appareil.

« Bien souvent, la seule façon d’obtenir la photo voulue est de marcher directement vers la cible et de cliquer. Lorsque je suis vue, il faut que la photo soit déjà prise, sinon il est trop tard. »

Ingénieurs et essayeurs ne la trouvent jamais drôle. Certains se montrent très agressifs. L’œil collé à son outil de travail, Brenda sent parfois l’objet de sa convoitise la frôler d’un peu trop près, d’un peu trop vite.

Pas de tout repos, le métier de photographe-espion…

Chaleurs record

La plus grande difficulté professionnelle rencontrée par Brenda Priddy est justement ce qui lui permet son métier : la chaleur qui règne dans Death Valley.

Et quelle chaleur : le tableau de bord d’une Volvo qu’elle pilotait dans le désert de Mojave a affiché 134 degrés Fahrenheit (56 degrés Celsius), le record de température la plus élevée aux États-Unis (enregistré en 1913).

Alors que le mercure bouillonne et que s’éternisent de longues heures en attente d’un peu d’action, Brenda se doit de conserver son équipement de travail au frais. Son sac à dos recèle donc de la glace, pour éviter que son appareil photo ne rôtisse…

Heureusement, les gens sont si prévisibles : « Presque tous les constructeurs profitent de l’été et de la chaleur intense qui règne dans le désert pour tester leurs nouveaux véhicules. Et chacun sait qu’autant les voitures que les gens doivent faire le plein. Alors, je me poste près des stations service ou des restaurants de fast-food et… j’attends! »

Flagrant délit d’apparition

La patience lui vaut des clichés mémorables (voir nos photos) qui font « fulminer les constructeurs et saliver la concurrence, » a dit le magazine Sports Car International. Mais la tâche est de plus en plus ardue : « L’industrie automobile lance ses modèles plus rapidement, ce qui nous laisse moins d’ouverture pour les prendre en flagrant délit d’apparition. »

Ainsi, qui s’exclamera devant un cliché qui sera pris cet été de la nouvelle Ford Focus en tenue de camouflage… alors que la voiture a été présentée en grande pompe à Détroit en début d’année?

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.