À quand l'auto chinoise en Amérique du Nord?

Dossiers
vendredi, 15 janvier 2010
Qui rit jaune rira peut-être le dernier...

Détroit, Michigan – Depuis leur première présence il y a quatre ans au Salon de l’auto de Détroit, les constructeurs chinois n’ont cessé de répéter qu’ils débarqueraient sur notre continent. On attend toujours, mais ce n’est que partie remise…
 
Salon de l’auto de Détroit 2006 : Geely avait été le tout premier constructeur chinois à participer au plus grand rassemblement automobile nord-américain. Même relégué dans un coin du hall d’entrée du Cobo Center, il avait suscité un intérêt marqué.

Mais ceux qui ont pu s’asseoir dans sa berline CK5171 ont vite compris que la qualité n’était pas au rendez-vous. Les chiffres chromés de l’étrange désignation décollaient du coffre, les portières se refermaient mal et la boîte à gants ne voulait pas collaborer.

Les dirigeants de Geely avaient vite verrouillé les portières, mais c’en était fait de la première impression ‘chinoise’. La faune journalistique en avait alors retenu que les véhicules chinois étaient mal assemblés et de style grossier. «Une vraie farce», avait dit Larry Webster, du réputé magazine américain Car and Driver.

Pas si : quand!

Détroit 2008 : deux ans plus tard, ils étaient un nombre record de cinq constructeurs chinois à se pointer à la Mecque de l’automobile. Et pour eux, plus question d’être relégués dans le hall d’entrée; ils se retrouvaient à même la salle d’exposition, bien qu’au sous-sol avec quelques marques plutôt obscures.

Chez BYD (pour Build Your Dreams), les portières n’étaient pas verrouillées et les journalistes ont pu constater un indéniable pas de géant en termes de finition intérieure. La question n’était plus de savoir si les véhicules chinois allaient – ou pas – débarquer en Amérique du Nord, mais bien quand ils allaient le faire.

Première voiture chinoise : une électrique?

Détroit 2010 : seul le chinois BYD s’est amené au salon, cette année. Et il a le mérite d’avoir érigé un kiosque d’envergure au plancher principal, aux côtés des Ford, GM et autres grands constructeurs de ce monde.

Oh, un instant : pas tous les grands. En effet, Porsche, Nissan, Mitsubishi et Suzuki ont brillé par leur absence. Pas besoin de lire dans les feuilles de thé, donc, pour savoir que les véhicules chinois parviendront un jour ou l’autre à circuler en Amérique du Nord.

Mais sans doute pas aussi rapidement que le grand patron de BYD veut bien le penser. En effet, Henri Li a avancé en conférence de presse qu’un premier véhicule, le e6, sera offert au marché américain (principalement en Californie) d’ici la fin de l’année.

Pas n’importe quel véhicule, de surcroît : on parle ici d’un « crossover » à motorisation 100% électrique qui promet de parcourir jusqu’à 330 kilomètre entre chaque recharge.

Cette autonomie électrique, c’est deux fois plus que tout ce qui est avancé, à date, par les autres constructeurs. Et pappelons au passage que GM et Toyota ont beau se dépêcher pour lancer un véhicule 100% électrique, ils n’entendent toujours pas pouvoir le faire avant 2011 ou 2012…

On part de loin

Le défi que se lance BYD place-t-il la barre trop haute? Sans doute. Le constructeur chinois part de loin, et pas que géographiquement.

D’abord, il ne compte actuellement aucun réseau de concessionnaires en Amérique du Nord. Aussi, même s’il tente d’obtenir les certifications gouvernementales nécessaires depuis trois ans déjà, ses véhicules ne rencontrent toujours pas les standards américains en termes de sécurité et d’émissions polluantes.

Enfin, BYD dit vouloir devenir le plus important constructeur au monde d’ici 2025. C’est voir (trop?) grand, pour ce fabricant de batteries de cellulaires qui ne s’est lancé dans la fabrication automobile qu’en 2003...

Ce qu’ils ont promis

Semble que les constructeurs chinois soient bons pour semer les promesses. Voici un petit récapitulatif de ce qui a été déclaré à Détroit depuis la première présence automobile chinoise en 2006 :

En 2006, Geely s’engageait à distribuer en 2008 ses tout premiers véhicules chinois en Amérique du Nord. On attend toujours… mais sachez que Geely (qui signifie « bonne chance ») est en train de mettre la main sur la suédoise Volvo.

En 2007, Changfeng promettait des ventes aux États-Unis avant la fin de la décennie, mais là encore, on attend toujours. Soulignons que le passage de Changfeng à Détroit a été marqué en 2007 par un prototype de camionnette qui perdait ses morceaux et, en 2008, par un utilitaire au moteur capricieux (voir nos photos).

En 2008, Chamco, une entreprise américaine liée à la chinoise ZX Auto, annonçait l’arrivée d’un utilitaire et d’une camionnette en Amérique du Nord avant la fin de l’année. Encore une fois, on attend toujours…

En 2009 : un fabricant de machinerie sans aucune expérience automobile s’est porté acquéreur de la marque Hummer. Et si les autorités approuvent la transaction, Volvo passera aux mains chinoises de Geely.

Les défis : pas insurmontables

Certes, les constructeurs chinois vont au devant de défis considérables en s’attaquant au marché américain. Mais s’ils veulent figurer à l’échiquier mondial, aux côtés des plus grands, ils n’ont pratiquement pas le choix de les relever :

  • Rencontrer les standards d’émissions polluantes et de sécurité.
  • Organiser un réseau de promotion, de distribution et de service.
  • Augmenter leur production automobile. Pour l’heure, la majorité des constructeurs chinois ont des capacités totales d’à peine 100 000 véhicules par an. C’est deux fois moins qu’une seule usine nord-américaine.
  • Surmonter la perception négative à l’égard des produits « made in China ». Et rappeler aux acheteurs qu’ils conduisent déjà des véhicules chinois, si l’on tient compte de l’endroit où sont fabriquées les pièces…
  • Éviter l’erreur du constructeur coréen Hyundai, qui s’est amené dans les années 80 avec des véhicules de qualité médiocre. Hyundai en souffre d’ailleurs encore aujourd’hui, malgré de multiples sondages sur la qualité qui le placent nez à nez avec Toyota.

Voilà qui fait dire à l’analyste canadien Dennis DesRosiers « qu’il faudra au moins cinq, voire dix ans avant qu’une marque chinoise ne s’implante véritablement chez nous. »

Mais les grands constructeurs prennent le péril jaune au sérieux. Comme le résume Stephen Beatty, directeur gestionnaire de Toyota Canada: «Ils (les Chinois) ont encore beaucoup à apprendre, mais nous devons nous préparer à leur arrivée. Et ce n’est pas fini : après les Chinois, il y aura… les Indiens!»


La Chine dépasse les États-Unis dix ans avant les prédictions

Les experts prédisaient qu’en 2020, la Chine allait dépasser les États-Unis à titre de plus important marché automobile du monde. Eh bien, les experts ont eu tort : la chose s’est produite une décennie plus tôt.

En effet, les Chinois ont acheté 13,5 millions de véhicules en 2009, soit trois millions de plus que les Américains. Bon, vrai que ces derniers ont connu une « annus horribilis », avec les ventes les plus basses depuis un quart de siècle.

Reste que la Chine enregistre cette année une augmentation de ses ventes automobiles de 45%.

Et c’est loin d’être terminé : alors que les pays du G7 comptent en moyenne 610 véhicules par millier d’habitants, la Chine n’en compte qu’une trentaine…

 

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.